Baurzhan Anderzhanov (Pasquale), Carlo Feola (Il Barone), Michela Antenucci (Costanza), Daniele Adriani (Il Cavaliere/Un sergente), Carolina Lippo (Lisetta), Antonio Garés (Il Marchese), Davide Bartolucci (Frontino), Orchestre symphonique G. Rossini, dir. Giuseppe Montesano (live Jesi, 22 septembre 2018).
Dynamic CDS 7836.02. Notice et livret en italien et en anglais. Distr. Outhere.

Dernier opéra italien de Spontini créé sans succès en 1802, juste avant son départ pour la France, Le metamorfosi di Pasquale appartient à ce filon des farces vénitiennes, produites à la chaîne des années 1790 à la première décennie du XIXe siècle. Le livret de Giuseppe Foppa (qui fournira plus tard à Rossini celui de L’inganno felice, de La scala di seta et d'Il signor Bruschino) n’est pas des plus réussis et explique peut-être en partie cet échec. À une classique intrigue de mariage contrarié et à ses personnages typiques - le couple des amoureux (Costanza et le Marquis) et celui des serviteurs délurés (Frontino et Lisetta), la figure paternelle (le Baron) et le fiancé qu’il a choisi pour sa fille (le Chevalier) -  il ajoute un rôle bouffe de naïf, Pasquale, ancien amoureux de Lisetta, victime d'une mystification qui lui fait endosser l'identité du Marquis et qui, tout en compliquant l’intrigue d’un quiproquo peu crédible, ne lui donne guère plus de sel. Surtout, en créant deux intrigues parallèles et concurrentes, il ne se laisse pas le loisir de les développer de façon convaincante dans une œuvre en un acte d'une heure vingt ne comportant que dix numéros dont trois ensembles (l'introduction, le finale et un sextuor), et ne prévoit d'air que pour cinq des protagonistes, laissant aux deux autres (le Baron et le Chevalier) de purs rôles d'utilités.

La musique de Spontini se situe exactement à mi-chemin entre l’héritage du bouffe napolitain de la fin du XVIIIe siècle et quelques formules plus avancées en termes harmoniques, ajoutées à une volonté de définition scénique des situations plus affirmée dont Rossini fera son miel dix ans plus tard. Si certains airs ne manquent pas de charme tels l'air tendre du Marquis, le duo de la reconnaissance de Pasquale et de Lisetta et l'air de cette dernière qui le suit d'assez près et introduit le finale, les ensembles manquent d'une véritable nécessité dramatique susceptible de les intégrer à l'action et, malgré le métier du compositeur, paraissent parfois un peu longuets et convenus. C'est dommage pour le plateau de jeunes chanteurs qui fait montre de beaucoup de talent dans cette production captée en live sur une seule soirée au Festival Pergolesi Spontini de Jesi, et on imagine facilement que sur scène l'ensemble devait fonctionner, grâce notamment à des récitatifs secs très bien mis en place. On retient en tous cas la belle voix ronde et chaleureuse du baryton-basse kazakh Baurzhan Anderzhanov dans le rôle-titre, le brillant soprano léger de la piquante Lisetta de Carolina Lippo qui d'évidence est ici la prima donna et le très prometteur Antonio Garés, ténor d'une grande élégance de ligne dans l'air unique du Marquis, sans oublier le Frontino très efficace de Davide Bartolucci. Très bien accompagné par l'Orchestre symphonique G. Rossini, sous la direction de Giuseppe Montesano, ils révèlent, au-delà de ses limites stylistiques, l'intérêt de cette œuvre de jeunesse (Spontini n'avait encore que vingt-six ans) un peu inégale mais pas tout à fait exempte de séduction.


Alfred Caron