Katarzyna Oleś-Blacha (Beata), Łukasz Załęski (Maks), Janusz Ratajczak (Hans), Paula Maciołek (Dorota), Wanda Franek (Urszula), Monika Korybalska (Agata), Mariusz Godlewski (sir Henryk Volsey), Wojtek Śmiłek (sir Artur Pepperton), Adam Szerszeń (Maurycy). Chœur et Orchestre de l’Opéra de Cracovie, dir. Tomasz Tokarczyk (concert live 16 septembre 2018).
Dux DUX1531. Présentation et synopsis bilingues (pol., angl.). Distr. DistrArt Musique.

 

Dans la campagne suisse, on fait croire à la jolie Beata que la variole l’a enlaidie. Elle préfère alors rompre avec son amoureux Maks, parti à la guerre, et consent à épouser son riche rival, un ridicule auquel la destine son père, complice du mensonge. Mais l’élu de son cœur revient et feint la cécité afin de déjouer les intrigues – d’où le titre complet Beata ou l'Aveugle. Ajoutez à cela deux Anglais dont l’un, médecin, voudrait épouser la fille de l’autre, vraie aveugle pour le coup, et n’arrivant à ses fins qu’en lui rendant la vue. Telle est l’histoire du dernier opéra de Moniuszko, créé sans succès quatre mois avant sa disparition – sans doute ne retrouvait-on pas le compositeur très polonais de Halka et du Manoir hanté, malgré l’air sur un rythme alla polacca du docteur Volsey – ; l’exotisme du sujet de Paria, son opéra précédent, n’avait pas convaincu non plus. Plutôt un opéra-comique, à vrai dire, d’un peu plus d’une heure, avec des dialogues parlés, que le grand musicologue polonais Zdzisław Jachimecki, en 1911, assimilait à un « vaudeville mélodramatique ».

L’œuvre ressuscita timidement pour le vingtième anniversaire de la mort de Moniuszko, puis disparut de nouveau. Elle ne subsista ensuite qu’à travers la réduction piano chant : la partition d’orchestre brûla en 1939, quand les Allemands bombardèrent Varsovie. Il fallut ensuite attendre le bicentenaire de la mort de Moniuszko en 1972, pour que certaines parties soient reconstituées. Ce n’est qu’en 2003 que le compositeur et musicologue Krzysztof Baculewski restitua la totalité de l’œuvre. Un travail témoignant de l’étude des œuvres de Moniuszko, mais qui, comme ce genre de démarche, ne peut nous dire ce que nous avons perdu.

C’est cette version, donnée en concert mis en espace que, inaugurant l’année Moniuszko, proposait l’Opéra de Cracovie en ouverture de sa saison 2018-2019. Cela vaut aujourd’hui au discophile la découverte de Beata, à travers une interprétation malheureusement très moyenne. Tomasz Tokarczyk dirige honnêtement, mais sans grande subtilité, une distribution très inégale. Première chanteuse de l’Opéra de Cracovie, bientôt sa directrice à en croire les rumeurs, Katarzyna Oleś-Blacha est insupportable d’acidité pincée et Łukasz Załęski époumone sa quinte aiguë là où il faudrait une voix d’opéra-comique conduite en souplesse : pas de quoi faire un très beau couple. Heureusement, Janusz Ratajczak sort du lot en ténor de caractère, à l’instar des clés de fa, sans doute les meilleurs de tous - le Volsey de Mariusz Godlewski, qui avait mérité notre révérence pour son récital de mélodies de Moniuszko, le Maurycy d’Adam Szerszeń et le Pepperton de Wojtek Śmiłek. Restent les dialogues, dont la durée équivaut à plus du tiers de l’œuvre : comme le texte du livret n’est pas joint au disque, le mélomane non polonais aura du mal à les apprécier. En attendant mieux, donc.

Didier van Moere