Mary Bevan (Venus), Susanna Fairbairn (Pallas), Gillian Ramm (Juno), Ed Lyon (Paris), Anthony Gregory (Mercury), Andrew Mahon (basse), The Brook Street Band, dir. John Andrews (2018).
Dutton Epoch CDLX 7361 (1 CD). 1h08. Notice en anglais. Distr. Dutton Vocalion.


Nombre des ravissantes œuvres de Thomas Augustine Arne (1710-1778) - dont la plupart de ses trente ouvrages lyriques - ont hélas disparu dans l’incendie du Covent Garden, en 1808. Le Jugement de Pâris ne fait pas exception, mais, comme le chef-d’œuvre d’Arne - son Artaxerxes de 1762 sur un livret (traduit en anglais) de Métastase -, il avait été publié auparavant de façon presque intégrale (sans ses récitatifs secs, qui ont ici été partiellement reconstitués). Il ne s’agit pas d’un opéra mais d’un mask, dont le texte avait été écrit en 1701 par le célèbre William Congreve en vue d’un concours : quatre compositeurs (John Eccles, Gottfried Finger, Daniel Purcell et John Weldon) devaient le mettre en musique, la version la mieux reçue donnant lieu à un prix de cent guinées. Notons que celle d’Eccles a été enregistrée par Christian Curnyn, chez Chandos, en 2009. La mouture d’Arne, elle, fut composée pour servir de complément de programme à une exécution de l’Alexander’s Feast de Haendel, en 1742. L’ombre du grand Saxon plane sur cette musique : le duo de Pâris et Mercure rappelle Acis and Galatea, l’air de Vénus avec violoncelle obligato « Gentle Swain » évoque L’Allegro ed Il Penseroso, etc. Époux de la cantatrice haendélienne Cecilia Young, Arne développe néanmoins une veine particulière, que l’on entend déjà poindre dans les rôles créés par son épouse (Dalinda d’Ariodante et Morgana d’Alcina) : mélodie fleurant bon le terroir anglais, instrumentation colorée (écriture aiguë du premier violon, nombreux soli réservés aux flûtes, hautbois, basson, etc.), texture éminemment galante… La découverte est donc jolie – mais l’interprétation modeste. Dès l’ouverture, assez confuse (est-ce dû à la prise de son trop réverbérée ?), le Brook Street Band pèche par son manque de rigueur, et si John Andrews fait parfois preuve d’enthousiasme, il paraît laisser ses quelque vingt musiciens livrés à eux-mêmes. Deux des trois sopranos campant les déesses qui se disputent la pomme de Pâris sont à oublier (Bevan, Vénus plaintive ; Ramm, Junon criarde). Fairbairn convainc davantage, et pas seulement parce qu’elle couronne l’unique air de Pallas (le morceau le plus spectaculaire de la partition, avec ses nombreuses voix instrumentales indépendantes) par un sonore contre-ut. Les deux ténors (l’un - Gregory -, plutôt lyrique ; l’autre - Lyon - plus héroïque) s’avèrent aussi assez séduisants. Mais ce « premier enregistrement mondial » aurait mérité plus de soins…

Olivier Rouvière