Marlis Petersen (Hanna Glawari), Iurii Samoilov (Danilo), Kateryna Kasper (Valencienne), Martin Mitterrutzner (Camille), Barnaby Rea (Mirko Zeta), Theo Lebow (vicomte de Cascada), Michael Porter (Raoul de St-Brioche), Frankfurter Opern- und Museumorchester, chœur de l'Opéra de Francfort, dir. Joana Mallwitz (live, mai-juin 2018).
Oehms Classics OC 983 (2 CD). Notice en all./angl. Distr. Outhere.

Étonnamment, La Veuve joyeuse a donné lieu à bien peu d'enregistrements majeurs depuis les célèbres versions Ackermann (1953) et Matačić (1962), toutes deux avec Elisabeth Schwarzkopf et Nicolai Gedda. On ne retient guère en effet que les intégrales dirigées par Wallberg (1980) – avec le merveilleux Danilo de Hermann Prey –, et Gardiner (1994), où Cheryl Studer et Bo Skovhus s'encanaillent dans l'univers de Lehár. Devant pareille disette, il faut se réjouir de cette parution qui, outre le confort d'une prise de son moderne, bénéficie du surcroît de vie offert par la captation d'une représentation donnée à l'Opéra de Francfort au printemps 2018. Les dialogues ont ici été révisés par le metteur en scène Claus Guth, qui déplace l'action dans le milieu cinématographique. Dans la fosse, la jeune Joana Mallwitz, actuelle directrice musicale au Staatstheater de Nuremberg, fait rutiler son orchestre de façon remarquable, installant dès les premières mesures, prises au pas de charge, une irrésistible atmosphère festive. Si les ensembles animés et les rythmes d'inspiration hongroise du deuxième acte deviennent véritablement ensorcelants sous sa baguette, elle excelle également dans l'expression de la sensualité, comme en fait foi son raffinement dans les nombreux duos. En Hanna Glawari, Marlis Petersen soulève d'abord quelque inquiétude en raison d'un vibrato un peu large, mais elle se ressaisit rapidement pour offrir une interprétation ravissante de charme et de solidité vocale qui culmine en une superbe Chanson de Vilja. Le baryton ukrainien Iurii Samoilov remporte toutefois la palme en Danilo grâce à son timbre envoûtant et surtout au charme extrême qui se dégage de son personnage de viveur au cœur tendre. La Valencienne de Kateryna Kasper est un pur régal de fraîcheur juvénile, tandis que le Camille de Martin Mitterrutzner, bien qu'un peu haut d'intonation, déploie des trésors de séduction vocale, en particulier dans un duo du Pavillon à fondre de plaisir. Sans atteindre tout à fait au niveau de leurs devanciers entrés désormais dans la légende, les membres de cette production composent une équipe d'une belle homogénéité en symbiose avec la vision d'une cheffe d'orchestre au talent manifeste.

Louis Bilodeau