Ana Durlovski (Elvira), Roland Bracht (Lord Gualtiero Valton), Adam Palka (Sir Giorgio Valton), René Barbera (Lord Arturo Talbo), Diana Haller (Enrichetta di Francia), Gezim Myshketa (Sir Riccardo Forth), Heinz Göhrig (Sir Bruno Robertson), Chœur et orchestre de la Staatsoper de Stuttgart, dir. Manlio Benzi, mise en scène : Jossi Wieler et Sergio Morabito (Stuttgart, juillet 2018).
Naxos 2.110598-99. Notice et synopsis angl./all. Distr. Outhere.


Filmée deux ans après sa création, la production de Jossi Wieler et Sergio Morabito offre un regard décalé sur I Puritani, où l’illustration historiciste (les costumes rigoristes des Puritains) le dispute au second degré (la gestuelle mécanisée des chœurs, la maison de poupée de l’acte III). La direction d’acteurs bouscule aussi et les interprètes (l’air de Riccardo, grevé par le jeu appuyé qui l’entoure) et la vraisemblance (sa brutalité vulgaire au finale primo, incompatible avec les sentiments exprimés dans son air), au point de contredire le lieto fine de l’ouvrage, joué ici comme une fin tragique. Hiatus masqués plutôt qu’assumés par le livret d’accompagnement, et c’est dommage : le synopsis est celui de la production plutôt que celui du livret original, ce qui prive le lecteur-spectateur de la faculté d’exercer son esprit critique sur le déplacement de sens qui lui est proposé. Ce n’est donc pas ici qu’on apprendra ses Puritains à la vidéo, d’autant que la réalisation musicale est loin d’atteindre les sommets de la récente autre version contemporaine (Madrid 2016, DVD BelAir Classiques).

Les mâles Puritains sont les plus desservis : malgré son beau legato, Gezim Myshketa (Riccardo) savonne le fiorito ; et la projection noire et sonore d’Adam Palka (Giorgio) n’empêche pas son émission bâillée de déparer l’italianité de l’ensemble. Leur « Suoni la tromba » joue la carte du gros son et des attaques aboyées, oublieuses du style et de l’élégance racée qui sous-tend toujours ce type de duo viril et martial, de Bellini à Verdi. Si l’Enrichetta de Diana Haller laisse échapper des aigus droits, on se rattrape heureusement avec l’Elvira dense et charnue d’Ana Durlovski, parfaitement en situation et sachant négocier nuances et coloris en dépit d’un timbre intrinsèquement peu flatteur, tout comme avec l’Arturo idiomatique de René Barbera, dont le beau chant souple, sans nasalité excessive, et les suraigus décochés avec aplomb font honneur à la légende de l’œuvre – et ce, même si l’acteur n’égale certes pas le chanteur.

Chœurs impeccables, et une direction musicale qui a le sens du drame, pour une version intégrant les pages parisiennes de la partition. Une expérience qui peut justifier un détour, mais pas une référence incontournable.

Chantal Cazaux