Majella Cullagh (Dorothy, fille de Sir Bantam), Lucy Vallis (Lydia Hawthorne, sa cousine), Stephanie Maitland (Phyllis, fille de l’aubergiste), Matt Mears (Geoffroy Wilder, neveu et héritier de Sir Bantam), John Ieuan Jones (Harry Sherwood, ami de Geoffroy), Edward Robinson (Sir John Bantam, châtelain de Chanticleer Hall), Patrick Relph (John Tuppitt, patron de l’auberge Hop-Pole), Michael Vincent Jones (Lurcher, officier de police), Sebastian Maclaine (Tom Strutt, jeune fermier amoureux de Phyllis), Victorian Opera Orchestra & Chorus, dir. Richard Bonynge (2018).
Naxos 8.660447. Notice et synopsis en anglais. Distr. Outhere.


Nous avions rendu compte ici même des Mountebanks d’Alfred Cellier (1844-1891) récemment publiés. Voici donc, au disque pour la première fois, le plus grand succès de celui qui fut le contemporain d’Arthur Sullivan, et directeur musical de la compagnie D’Oyly Carte. La « comédie pastorale » Dorothy fut créée en 1886, sur un livret de Benjamin C. Stevenson, et devint rapidement un triomphe (931 représentations !), seulement surpassé dans le XIXe siècle britannique par The Mikado et Ruddigore (Gilbert & Sullivan, 1885 et 1887). Trois actes sont peut-être beaucoup pour une intrigue d’opéra-comique rural fort ténue, où de jeunes et jolies aristocrates s’amusent à se déguiser en villageoises, rencontrant leur promis sous cette fausse identité – dont l’un, jeune héritier plein de dettes, s’improvise au passage cambrioleur de son oncle. Une curiosité : la musique date en fait de 1876, Cellier l’ayant composée pour son opérette Nell Gwynne qui fit alors un four ; le livret était signé H.B. Farnie. Cellier décida de réviser sa partition, confiant à Stevenson la tâche de lui inventer un nouveau texte sur cette musique préexistante. Malgré cette reconstruction quelque peu artificielle, le succès fut alors au rendez-vous, aidé peut-être par les quelques ajouts que Cellier apporta aussi à son œuvre.

Comme dans la plupart des enregistrements d’opéra-comique ou de musical, on omet ici les dialogues parlés pour ne pas outrepasser la durée d’un CD. En résulte pour l’auditeur un intérêt amoindri devant une succession de ballades, danses et couplets au demeurant fort charmants mais sans nécessité dramatique. Dès l’ouverture s’entend le soin apporté par Richard Bonynge à la réalisation musicale : l’orchestre et le chœur sont impeccables, même si bien plus sages que truculents. Car chacun, solistes inclus, brosse ses interventions au cordeau, et tout paraît, du coup, très tenu, sans spontanéité ni verve. Plutôt que d’être conquis par ce qui semble bien, pourtant, un délicieux opéra-comique anglais frais et sans façon, on se découvre plein d’ennui, comme devant une toile de Jouy où chaque mouton s’affadit en deux dimensions et dans une pose figée. Manque aussi une distribution vocale mieux pensée, d’autant que c’est ici le rôle-titre qui pèche le plus : face au baryton clair et charnu d’Edward Robinson (Sir Bantam), le timbre grisé et trémulant de Majella Cullagh (Dorothy) sonne bien plutôt comme sa mère que comme sa fille ! Son chant est une souffrance permanente… Les autres sont honnêtes, mais sans éclat. À l’image du destin que connut la partition de Cellier, sans doute faudra-t-il une révision avec une nouvelle équipe, et peut-être un live, pour que l’on soit vraiment convaincu par cette Dorothy.


Chantal Cazaux