Stéphanie d'Oustrac (Lazuli), Christophe Mortagne (le Roi Ouf 1er), Hélène Guilmette (la Princesse Laoula), Jérôme Varnier (Siroco), Elliot Madore (Hérisson de Porc-Épic), Julie Boulianne (Aloès), François Piolino (Tapioca), Choeur de l'Opéra national des Pays Bas et Orchestre de la Résidence de la Haye, dir. Patrick Fournillier. Mise en scène : Laurent Pelly (live, Amsterdam 2014).
DVD Naxos 2.110595. Livret en anglais. Distr. Outhere.


Plutôt que dans un Orient de fantaisie, Laurent Pelly a choisi de transposer l’intrigue de L’Étoile dans un univers totalitaire sinistre et gris dont les costumes évoquent sans ambiguïté l’Europe des années cinquante, mais dans un registre proche de la bande dessinée. Le premier décor - un plateau nu planté d’une forêt de haut-parleurs où s’agite le chœur d’introduction des conspirateurs en imperméable et chapeau mou - semble tout droit sorti du Macbeth kafkaïen de Dmitri Tcherniakov. Au deuxième acte, le palais du Roi Ouf est devenu un de ces enchevêtrements de portes et fenêtres dont Chantal Thomas a le secret et qui permet de gérer disparitions et apparitions des personnages, et d’évoquer sans trop y toucher le climat de surveillance que fait régner le dictateur. En demi-uniforme, mini-couronne en tête, Christophe Mortagne incarne avec brio un tyranneau aussi ridicule qu’inquiétant affublé d’un astrologue-gourou et d’une garde rapprochée à tête de chien. L’allure garçonnière de Stéphanie d’Oustrac offre une totale crédibilité à son personnage de camelot franchouillard et hâbleur. Son mezzo léger aux aigus faciles fait merveille dans un rôle qu’elle connaît bien et auquel elle apporte une interprétation inspirée dans la bouffonnerie comme dans le registre tendre. Hélène Guilmette joue à la perfection son rôle de princesse de livre d’images naïve mais décidée, avec ses tresses en macarons qui lui donnent de faux airs de Cunégonde. Julie Boulianne et François Piolino complètent ce quatuor idéalement francophone et d’une musicalité irréprochable. La pointe d’accent du Porc-Épic du baryton Elliot Madore, sensible aussi chez les membres du chœur de l’Opéra national hollandais, ne gâte aucunement le plaisir que l’on prend à cette production de haut niveau menée de main de maître par Patrick Fournillier. À la tête de l’orchestre de la Résidence de La Haye, le chef fait briller de mille feux l’orchestration raffinée de Chabrier et imprime à la représentation un rythme sans temps mort. On ne peut que saluer l'excellence de cette réalisation pleine d’esprit qui vient enrichir d’une seconde version (la première avait été captée à Lyon en 1984) la vidéographie de ce petit bijou du répertoire léger français trop rarement monté, et la recommander à ceux qui ne le connaissent pas encore comme à ceux qui en savent déjà le charme mélodique et l'humour piquant. 

Alfred Caron