Judith Howarth (Susanna), Angel Odena (Gil), Oviedo Filarmonia, dir. Friedrich Haider (2006).
Naxos 8.660385 (1 CD). 66'29. Notes et synopsis en anglais et allemand. Bonus : Sérénade pour cordes en mi b majeur. Distr. Outhere.


Il convient de voir en cet Intermezzo mariant volubilité italienne et mélismes instrumentaux alla Richard Strauss autre chose qu'une simple pochade. Le compositeur y conjugue en effet, dans le premier quart du XXe siècle, tout l'héritage de sa culture péninsulaire, souvent mise au service de Goldoni, et les influx musicaux européens, notamment germaniques, hérités de son père. Réminiscences rossiniennes et pastiches mozartiens se fondent ainsi dans un discours harmonique et une alchimie instrumentale modernistes. Beethoven et Debussy viendront même rôder au sein de ce petit chef-d'œuvre de contrepoint néo-classique tenté par les langueurs du post-romantisme. L'intrigue de cet opéra en un acte de 1905-1909 est pourtant des plus délicieusement futiles. Un mari soupçonne sa tendre moitié de céder en cachette aux avances d'un inconnu dont les effluves de tabac trahiraient les visites récurrentes sous le toit conjugal.  Or il s'avère bientôt que la belle Suzanne, secrètement addicte de la cigarette, est seule responsable de la persistance des odeurs qui obsèdent son époux adoré, aux confins d'une rupture orageuse. Le lieto fine qui s'ensuit replace l'ouvrage dans la filiation de l'opera buffa. 
À charge pour l'orchestre confié aux bons soins de Friedrich Haider d'envelopper de ses harmonies sensuelles ou coruscantes les épisodes de cette manière d'Equivoco stravagante. La texture comme la dynamique auraient ici gagné à plus de sophistication mais soutiennent de manière complice la comédie vocale. Celle-ci trouve en la personne du baryton Angel Odena un mari jaloux dont les accès de fièvre soupçonneuse alternent avec des épanchements lyriques justement pondérés. Au fuoco de ce chant ardent, sa Susanna, la très éclectique Judith Howarth, n'oppose qu'à demi le sfumato attendu. Jeune, innocente, mais chiche des colorations qui conféreraient à sa ligne un rien de palpitation. Plus séduisante que la version Petrenko de 2010 dont nous rendions compte dans notre numéro 263, la présente captation distribuée dès 2006 sous étiquette Philartis offre de l'ouvrage une approche juvénile. Plus mature et aristocratique, le couple Scotto/Bruson de l'ancien enregistrement CBS, idéalement dirigé par Pritchard, demeure incomparable. À noter que Naxos propose en complément de programme une lecture fluide de la Sérénade pour cordes en mi b majeur du musicien qui majore l'intérêt de cette publication.

Jean Cabourg