Danielle de Niese (Eileen), Alysha Umphress (Ruth), Nathan Gunn (Bob Baker), Duncan Rock (Wreck). Orchestre Symphonique de Londres, dir. Simon Rattle (2017).
LSO Live LSO0813. Distr. Harmonia Mundi.


Chaque chef a ses œuvres fétiches. Simon Rattle semble décidé à enregistrer Wonderful Town avec chaque nouvel orchestre dont il prend la tête. Il y eut d’abord sa version en CD à Birmingham, avec Kim Criswell et Audra McDonald (EMI) : un pur bonheur, festival de rythmes et de swing absolument irrésistibles, ainsi que d’une invention mélodique à se damner. Puis il y eut sa version en DVD à Berlin (Euroarts), avec les mêmes, captation d’un concert de la Saint-Sylvestre où le trublion britannique a réussi le tour de force de faire danser les très sérieux Berliner Philharmoniker en oubliant toute bienséance germanique : une pierre de touche de leur collaboration tout à la fois houleuse et féconde.

Le voici nommé au London Symphony Orchestra : qu’à cela ne tienne, on réenregistre la comédie musicale créée en 1953 par un Bernstein en état de grâce. Et patatras : c’est la fois de trop ! Oh, rien ne démérite dans ce concert londonien, d’un professionnalisme à toute épreuve. Mais, comme c’est souvent le cas dans ces orchestres londoniens où (time is money !) l’efficacité prime sur la fantaisie, on semble se contenter de faire le job sans se déboutonner. Rythmes et mélodies sont parfaitement en place, mais on a à peine envie de danser, et pas du tout de rire. Il est vrai qu’Alysha Umphress ne fait pas un instant le poids face à la Ruth larger than life de la pantagruélique Kim Criswell. Quant à la charmante Danielle de Niese, elle a sans doute plus de voix lyrique qu’Audra McDonald, mais son Eileen n’est pas aussi touchante. Rien à reprocher à Nathan Gunn, si ce n’est que Thomas Hampson avait un tout autre chic. Décidément, cette fois le charme n’a pas opéré.

Christian Merlin