Lilli Wünscher (la baronne Paulette Kerekháza), Adam Sanchez (le comte Richard von Auerspach), Andreas Rainer (le baron Gigi Maria Josef Kerekháza), Laura Scherwitzl (Tini), Mirjam Neururer (Lori Fallhuber), Hinrich Horn (le lieutenant Puchberg), Cusch Jung (le Narrateur), Orchester der Musikalischen Komödie Leipzig, dir. Stefan Klingele (Leipzig, Bethanienkirche, 20 et 21 juin 2018).
Rondeau RPO6167. Notice et synopsis en anglais et en allemand. Distr. DistrArt Musique.

Le Wunderkind de Vienne se régalait des opérettes de Johann Strauss et il mit sa plume, avec la bénédiction d’Adèle Strauss, la veuve de l’auteur du Beau Danube bleu, dans des réécritures brillantes et inspirées d’Une nuit à Venise, de Cagliostro à Vienne. En 1925, Adèle le pria de reprendre de fond en comble Le Mouchoir en dentelle de la Reine, opérette oubliée dans un tiroir dont l’action se situait au Portugal, dans le cercle de Cervantès. Le XVIe siècle lusitanien sembla trop éloigné de sa chère Vienne à un Korngold de toute façon immergé dans Le Miracle d’Héliane, l’éditeur d’Adèle perdit patience, confia la périlleuse entreprise à d’autres et, finalement, alors que Korngold et son librettiste Ludwig Herzer s’étaient enfin attelés à la tâche, ils apprirent que leurs efforts étaient inutiles. Mais Korngold avait avancé sa musique, l’étoilant des thèmes les plus brillants de Strauss, faisant roucouler ténor et soprano… Schott voudrait-il d’une opérette « à la manière de » ? Adieu Lisbonne, bonjour l’Autriche, une petite ville de garnison qui pourrait être Graz, puis Vienne à l’heure encore belle de l’Empire florissant, les amours contrariées de la baronne Paulette et du comte Richard sur fond des dettes du dernier, Korngold vous fait valser tout cela encore plus lorsqu’il sait qu’il aura, pour la création au Metropol Theater de Berlin le soir de Noël 1931, Richard Tauber : il lui écrit sur mesure un air flatteur, à la Lehár : « Du bist mein Traum » deviendra un des « hits » du ténor qui l’enregistra, ainsi que d’autres pages de cette charmante partition qui connaît enfin les honneurs du disque. Quelle brillante troupe emmène avec panache Stefan Klingele, que domine le Richard d’Adam Sanchez, aigus à la volée, voix souple et ardente qui met quelques touches d’accents viennois dans son chant, histoire d’évoquer le souvenir de Tauber, c’est aussi bien vu que bien fait. On aura beau jeu de trouver la Paulette de Lilli Wünscher pointue, mais derrière le timbre un peu peuple tout l’esprit de la partition s’incarne. Le baron Gigi, l’autre ténor, plus léger, est emmené avec esprit par Andreas Rainer. Le divertissement si subtilement brossé, aux orchestrations savantes et complexes derrière leurs réemplois souvent audacieux, passe trop vite.

Jean-Charles Hoffelé