Luciano Ganci (Stiffelio), Maria Katzarava (Lina), Francesco Landolfi (le comte Stankar), Giovanni Sala (Raffaele), Emanuele Cordaro (Jorg), Blagoj Nacoski (Federico di Frengel), Cecilia Bernini (Dorotea), Chœur et Orchestre du Teatro Comunale de Bologne, dir. Guillermo García Calvo, mise en scène : Graham Vick (Parme, 2017).
DVD Naxos 2.110590. Distr. Outhere.

 

Radical. Graham Vick réserve les gradins du Teatro Farnese à de grandes banderoles à message – dont une « Famiglia, noi la defendiamo ! », l’équivalent de notre « manif pour tous » avec son quatuor de silhouettes papa-maman-fiston-fifille : pour l’« opéra du divorce » que représente Stiffelio et pour son public italien, de quoi faire jaser. Les spectateurs, eux, évoluent debout sur le plateau central, au milieu des estrades destinées aux interprètes. La proposition a reçu un prix spécial aux Prix Franco Abbiati de la critique musicale 2018 (dans le même temps que le Festival Verdi recevait le prix du meilleur festival aux International Opera Awards). S’il cherche à impliquer le public (c’est particulièrement sensible dans la scène du sermon), l’oblige à prendre position (au sens propre : il faut bouger pour chercher du regard qui chante où !) et à se forger ainsi un point de vue, Vick l’empêche aussi de goûter harmonieusement à la musique de Verdi : l’éloignement de l’orchestre (relégué dans un fond du plateau) et des chanteurs, la direction de Guillermo García Calvo relayée par de multiples écrans, les choristes dispersés, tout est propice à imprécisions (de mise en place et d’intonation) et à manque de fondu. La dramaturgie prime donc sur la réalisation musicale… mais aussi sur le théâtre : sur leur estrade, les chanteurs semblent des cobayes observés sous tous les angles par un public interrogatif, voire amusé, auquel se mêlent quelques figurants dont on traque en gros plan les réactions « pénétrées ». Concept, 1 ; émotion, 0. La captation vidéo (qui abuse hélas de la contre-plongée à l’épaule, avec crânes en bas du cadre) achève de confirmer le verdict, filmant définitivement le dispositif plutôt que l’œuvre elle-même. Musicalement, malgré la direction cursive de García Calvo, trop de déroutes viennent entacher la réalisation pour qu’on se laisse prendre par des interprètes pourtant joliment investis. Luciano Ganci notamment, Stiffelio d’abord souple et nuancé mais que les circonstances acoustiques poussent à ses limites au point d’érailler son timbre ; de même que Maria Katzarava, belle ampleur vocale, timbre généreux et style affûté, mais qui écrase ses graves – on l’admire pourtant d’assumer les oripeaux dont on l’habille, la gestuelle qu’on lui impose et une caméra inquisitrice et peu flatteuse. Ce n’est pas là qu’on découvrira ou appréciera Stiffelio.

Chantal Cazaux