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Phillip Addis (Marcello), Alexander Savtchenko (Colline), Hugo Laporte (Schaunard), Robert Huard (Benoît) et Antoine Bélanger (Rodolfo).

D'un classicisme de bon aloi, la nouvelle Bohème de l'Opéra de Québec se démarque par la jeunesse de ses interprètes, qui confère une grande vraisemblance à l'œuvre immensément populaire de Puccini. À en juger par les costumes, l'action se déroule à peu près au moment de la création de l'opéra, soit à la toute fin du XIXe siècle, dans un Paris à peine évoqué par des éléments de décor épurés qui font penser à des esquisses de dessin d'époque, comme le rappelle notamment le café Momus. Confinant à l'ascèse visuelle, les décors sont constitués de panneaux translucides qui, grâce aux effets d'éclairage, montrent par exemple Mimì sur le seuil de la porte de sa mansarde ou les joyeux buveurs dans le débit de boisson du troisième acte. Grâce à la direction d'acteurs affûtée de Jacques Leblanc, les personnages habitent bien cet environnement sobre mais en harmonie avec la précarité de la vie de bohème imaginée par Murger puis Puccini. On aurait toutefois souhaité que la terrasse du café soit un peu plus animée au deuxième acte pour que les amis paraissent moins seuls en cette veille de Noël festive.

Dotée d'un caractère franchement résolu, la Mimì de Marianne Fiset brille par l'éclat d'une voix souple et d'une belle homogénéité sur tout son registre. Si le ténor Antoine Bélanger ne peut prétendre à une telle maîtrise de son rôle en raison d'un instrument plus modeste et d'un chant trop souvent contraint, son Rodolfo est attachant et traduit parfaitement les affres du poète dévasté par la maladie et la mort de sa bien-aimée. Mutine en diable, la Musetta d'Hélène Guilmette chante fort bien sa valse, déchaîne son tempérament de furie à la Barrière d'Enfer et se montre particulièrement émouvante au dernier acte. Phillip Addis est un Marcello idéal : superbe timbre, excellente projection, sens de la nuance et jeu toujours en situation. Alors que Hugo Laporte révèle un talent très prometteur en Schaunard, on se hâtera d'oublier le Colline à la justesse très approximative d'Alexander Savtchenko. Malgré leur nombre relativement réduit, les choristes – en particulier les enfants – font merveille au deuxième acte. Deux ans et demi après sa très belle Madama Butterfly, Giuseppe Pietraroia se montre un chef inspirant pour l'Orchestre symphonique de Québec, qui cisèle avec un plaisir manifeste la partition de Puccini et contribue au succès d'une représentation sagement traditionnelle.

L.B.

 Notre édition de La Bohème : L’Avant-Scène Opéra n° 20.


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Antoine Bélanger (Rodolfo) et Marianne Fiset (Mimì). Photos : Louise Leblanc.