OEP505_1.jpg
Aleksandra Kurzak (Adina) et Roberto Alagna (Nemorino).

 

Délicieuse reprise que celle de L’Elixir d’amour dans la production de Laurent Pelly, créée sur cette même scène en 2006. Banale, la transposition dans l’Italie des années cinquante ? En fait, judicieuse, faisant surgir des souvenirs de cinéma et d’atmosphères, tout un parfum visuel que la scénographie maintient d’ailleurs dans des coloris tendres, voire un peu passés comme une vieille photo, jusque dans les lumières de Joël Adam, d’un soleil rasant de fin de journée. Les décors de Chantal Thomas (l’amas de foin géant, l’arrière-cour d’auberge, l’estrade de noces de village) sont parfaitement sentis et utilisés pour les déplacements – avec un léger bémol cette fois pour les choristes, pas impeccables dans leur «chorégraphie chantée» ici ou là mal synchronisée. La direction d’acteurs fait primer la comédie-farce sur le doux-amer, mais avec cohérence et en s’appuyant sur un cast qui fait mouche et s’y glisse avec un plaisir communicatif.

Déjà présent en 2006, Ambrogio Maestri est un Dulcamara sympathique et surtout « monumental », maîtrisant le bel canto comme le buffo : le parlando coule de source, les éclats sont de stentor, l’équilibre en permanence adapté. S’étant découverts en Nemorino/Adina sous son regard tutélaire en 2012 à Covent Garden, Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak font montre désormais d’une complicité évidente. Lui conserve le charme solaire de son chant – certes, le timbre est parfois alourdi ou ombré désormais, notamment dans le haut-medium, mais le ténor démontre des demi-teintes audacieuses dans la « Furtiva lagrima », qui est aussi le moment le plus poétique de la mise en scène. Surtout, il bondit et pirouette à qui mieux mieux, et ce joyeux cabotinage s’avère ici une indéniable vis comica burlesque. Elle n’est pas en reste, piquante et mutine dans son jeu, déliée et pulpeuse dans son chant, où l’ornement sur le souffle et le fruité du timbre composent un tout remarquablement dosé et vécu – quelques suraigus plus tenus que libérés n’obèrent en rien la qualité d’une interprétation de très belle eau. Regrets pour le Belcore de Mario Cassi, manquant d’autorité vocale (un comble) comme de précision musicale, ainsi que pour la direction de Donato Renzetti qui se perd parfois en tempi trop lents (« Quanto è bella » plombe le début du I) même s’il mène à bon train les grands ensembles. A signaler, l’excellente Giannetta de Mélissa Petit qui fait exister son personnage aussi bien musicalement que scéniquement. Un bon millésime pour cet Elixir !

C.C.

A lire : notre nouvelle édition de L’Elixir d’amour, L’Avant-Scène Opéra n° 288 (septembre 2015).


OEP505_2.jpg
Ambrogio Maestri (Dulcamara). Photos : Vincent Pontet / OnP.