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Armando Noguera (Papageno) et Elena Xanthoudakis (Pamina).

Avec cette Flûte enchantée des plus réjouissantes, l'Opéra de Québec fait la démonstration éloquente que la modestie des ressources financières n'est pas un frein à l'imagination et à la qualité artistique. Si l'on regrette évidemment que le chœur de prêtres se limite à douze voix ou que Tamino ne réussisse à charmer avec sa flûte que trois bêtes bien inoffensives plutôt que toute une ménagerie bigarrée, il faut nous incliner devant le travail d'équipe qui a présidé à la création d'un spectacle haut en couleur, sans temps mort et d'un très bon niveau musical.

À partir d'un décor assez terne emprunté à la compagnie Edmonton Opera et comprenant essentiellement des panneaux composés de formes géométriques d'un effet plus ou moins heureux, le metteur en scène Alain Gauthier et l'éclairagiste Serge Gingras ont su bien meubler l'espace scénique et nous transporter grâce à de nombreuses projections aussi bien dans les paysages sauvages que dans le royaume féerique de la nuit ou le sinistre cachot de Tamino et Papageno. Les aspects spirituel et ésotérique de l'œuvre sont ici réduits à leur plus simple expression, comme le montre par exemple, dans le finale du premier acte, l'absence des temples de la Sagesse, de la Raison et de la Nature. Mais ce que l'on perd sur le plan philosophique, on le gagne en images d'une grande fraîcheur qui servent remarquablement bien ce conte que l'on revoit avec un réel bonheur.

Pour le suivre dans cette voie, Alain Gauthier dispose d'interprètes qui semblent presque tous prendre un plaisir évident à incarner leurs personnages respectifs, à commencer par le formidable Papageno d'Armando Noguera. Alliant à une solide technique vocale un talent naturel de comédien, le baryton argentin s'amuse follement sur scène et ce, jusqu'aux saluts en fin de soirée. Le Tamino au port altier et toujours très digne de Pascal Charbonneau se démarque par une belle fougue et une grande force de caractère. Il a toutefois tendance à forcer un peu sa voix, ce qui dessert, par exemple, la suavité de « Dies Bildnis ». Elena Xanthoudakis est une Pamina délicate et touchante, dont le chant manque un rien de souplesse mais qui se rachète par une présence radieuse. Acclamée depuis une vingtaine d'années sur de nombreuses scènes des deux côtés de l'Atlantique, la Reine de la Nuit d'Aline Kutan demeure un modèle de précision, de nuances et de pyrotechnie vocale. Seul échappe au suprême contrôle de l'artiste le contre-fa strident avant la fin du premier air. Du reste de la distribution, on retiendra les excellents Marie-Michèle Roberge (Papagena) et Benoît Boutet (Monostatos), pour oublier Alexander Savtchenko, Sarastro aux accents plébéiens et au chant débraillé. Sous la direction de Steven Fox, l'Orchestre symphonique de Québec adopte des tempi en général très allants qui, au risque de bousculer parfois les chanteurs, confèrent un puissant sentiment d'urgence dramatique à la représentation. Manifestement ravi, et conquis par le Papagano irrésistible d'Armando Noguera, le public a réservé un accueil chaleureux à ce spectacle globalement très réussi.

L.B.

Notre édition de La Flûte enchantée : L’Avant-Scène Opéra n° 196


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Alexander Savtchenko (Sarastro). Photos : Louise Leblanc.