Composé dans la foulée du succès des Bardes de Lesueur à l'Académie impériale de musique en 1804, Uthal est une œuvre atypique dans sa brièveté – un acte unique d'à peine plus d'une heure – et quasiment expérimentale. Méhul, tout en assumant l'héritage de la tragédie lyrique réformée de Gluck, s'y essaye à créer un climat « ossianique » en remplaçant à l'orchestre les violons par les altos et en jouant sur des effets très originaux d'orchestration et de spatialisation. Le livret nous raconte une histoire dont le sujet, sous le travesti d'une Ecosse imaginaire, relève plus de la tragédie antique que du folklore légendaire dont elle se réclame. N'importe, la partition elle-même ne manque pas de morceaux très réussis, telle la grande scène de Malvina, errant avant la bataille entre son père Larmor et son époux Uthal et rencontrant quatre bardes qui tâchent de la rassurer par leurs chants. Magnifique aussi le morceau d'ensemble qui précède et superpose en trois groupes les quatre protagonistes, le petit chœur des bardes et celui des guerriers de Larmor, où l'on croirait entendre les échos du finale de l'acte I du Fidelio de Beethoven – que, bien sûr, le compositeur ne pouvait connaître. Registre héroïque et registre pathétique se mêlent subtilement dans cet opéra-comique de 1806 et montrent que la France napoléonienne, imbue de classicisme, n'ignorait pas tout à fait l'appel du Romantisme.

Pour la recréation de cet opus oublié, le Palazzetto Bru Zane a fait appel à un plateau de choix. Yann Beuron trouve en Uthal une tessiture centrale particulièrement adaptée à l'évolution de sa voix et dans laquelle il peut faire valoir un phrasé d'une noblesse parfaite. Il est, du reste, le seul de cette brillante distribution, avec Philippe-Nicolas Martin – le chef des Bardes, remarquable de musicalité  dans son récit de la scène VIII –, à maîtriser la déclamation des dialogues en alexandrins avec autant d'évidence que de naturel. Car si Karine Deshayes (Malvina),- impressionnante d'extension dans l'aigu, et Jean-Sébastien Bou (Larmor) convainquent tous deux dans la partie musicale de leurs rôles, on ne saurait en dire autant des passages parlés où un coach théâtral n'eût pas été inutile. L'excellent chœur de chambre de Namur, les belles sonorités des Talens lyriques et la direction de Christophe Rousset, dont on connaît les affinités avec le répertoire néo-classique, sont évidemment un atout de plus dans la réussite de cette résurrection. Un écho en a été préservé en vue d'une publication en CD qui devrait permettre de réévaluer mieux encore les qualités d'une partition vraiment captivante.

A.C.