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Créé au festival d’Aix-en-Provence en juillet 1954, le charmant opéra-comique d’Henri Sauguet (1901-1989) était presque oublié quand deux reprises, à Compiègne et à Dijon lors de la saison 2006-2007, ont attiré l’attention sur lui. Le librettiste, Jean-Pierre Grédy (auteur de théâtre à succès) avait condensé la pièce tout en ajoutant certains détails propices à des développements musicaux. Il a conservé le langage de l’original, ce qui n’a pas facilité le travail de Sauguet tant le ton des personnages de Musset, d’une coquetterie littéraire achevée, reste souvent insaisissable. Trouver ce ton, puis le fixer avec des notes et des rythmes, représente une gageure pour le compositeur, qui se répercute sur les chanteurs dont la marge d’interprétation reste plus étroite que celle des comédiens. Mais le résultat est plutôt attrayant, sans rien qui pèse ou qui pose : la trame orchestrale, riche de détails savoureux, quoique un peu mince parfois, ne couvre jamais les voix tandis que le soin apporté à la prosodie permet une articulation nette sans que l’invention mélodique sacrifie à la grisaille du récitatif.

La quarantaine de représentations prévue jusqu’en mai 2016 sur les scènes des quinze théâtres coproducteurs, va assurer aux Caprices de Marianne la diffusion qu’ils méritent. L’initiative en revient au Centre français de Promotion lyrique dont l’appel à candidature a suscité 53 projets. Celui du jeune metteur en scène québécois Oriol Tomas a été choisi à l’unanimité des coproducteurs tandis que les 18 chanteurs d’une double distribution ont été sélectionnés parmi 230 candidats de 29 nationalités.

Transposée à l’époque de la création, si l’on en juge par les jolis costumes de Laurence Mongeau inspirés du cinéma italien des années 50, l’action se déroule dans le décor unique de la Galerie Umberto Ier de Naples démembrée par Patricia Ruel. À l’opposé de la vision surchargée de Jacques Dupont à Aix, ce clin d’œil la rejoint par une même référence implicite aux codes de la commedia dell’arte. La touche d’irréalité théâtrale, jusque dans l’assassinat de Cœlio, légitimise tout ce que la fable comporte d’artificiel, car longtemps les protagonistes agissent comme des marionnettes avant que le drame ne s’impose dans sa cruauté.

La musique progresse de façon significative du badin au pathétique. Il semble que le facétieux Sauguet ait été mieux inspiré par la tragédie que par la comédie. Hypothèse seulement tant il est vrai que, pour mélodieuse qu’elle soit, sa musique exige d’être portée par cet élan élastique qui faisait le charme de la création (accessible sur le site de l’INA) et qui manque encore à cette jeune équipe, aux musiciens de l’orchestre de Reims et au chef, Claude Schnitzler. Sauguet qui, sous des airs de bonhomie, dissimulait une nature nerveuse et exigeante, avait dû obtenir ce résultat sans ménager ses interprètes.

La distribution réunie à Metz est dominée par la soprano colorature tchèque Zuzana Markovà, Marianne gracieuse et distante qui se joue des aigus stratosphériques écrits pour Lily Pons, et par le baryton Philippe-Nicolas Martin, très présent dans le rôle-clef d’Octave. Cyrille Dubois, ténor rêveur aux évanescences accordées à la personnalité adolescente de Cœlio, séduit sans toujours passer la rampe autant qu’on aimerait. À Norman D. Patzke (le juge Claudio) manque seulement la dimension bouffonne du mari jaloux contre l’évidence. Les rôles de Tibia (Carl Ghazarossian) et de la Duègne (Julien Bréan) n’ont pas été orientés vers la farce de façon assez décisive. Les caractérisations de Jean-Christophe Born (l’Aubergiste) et Tiago Matos (le Chanteur de sérénade) restent aussi indécises. Dans sa belle intervention maternelle, Sarah Laulan (Hermia) touche juste.

Il faut souhaiter que le metteur en scène et le chef de chant (Mathieu Pordroy) continueront de veiller de près à la carrière de cette production encore un peu verte, faute de quoi elle risque de s’étioler avant d’avoir connu l’épanouissement attendu.

G.C.


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Photos : Williams Bonbon / Metz Métropole.