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Étienne Dupuis (Figaro) et Carol Garcia (Rosina).

Un an et demi après son inoubliable portrait de Joseph De Rocher (Dead Man Walking), Étienne Dupuis retrouve le public montréalais avec une interprétation tout aussi admirable d'un rôle qu'il a déjà peaufiné à Berlin et dans plusieurs villes de France. Dès son entrée du fond du parterre, son Barbier exulte la joie de vivre, la rouerie, la finesse et un évident plaisir du chant. Son aisance scénique se double en outre d'une grande élégance vocale, qualités qui concourent à rendre ce Figaro éminemment séduisant. La superbe Rosina de Carol Garcia est elle aussi éblouissante vocalement et parvient à bien imposer un personnage à la fois pétillant et sensible. Si le ténor roumain Bogdan Mihai possède un art exquis de la vocalise allié à un goût musical très sûr, il n'en demeure pas moins que sa voix s'avère un peu petite dans les ensembles. On ne tiendra pas rigueur du timbre rocailleux de Carlo Lepore et de la voix légèrement étouffée de Paolo Pecchioli puisqu'ils incarnent Bartolo et Basilio avec beaucoup de panache. Le chef Christoph Campestrini entraîne les solistes et l'Orchestre Métropolitain dans un joyeux tourbillon qui culmine dans le finale ensorcelant du premier acte. Les récitatifs, accompagnés au clavecin par Jérémie Pelletier, souffrent hélas d'une sonorisation franchement déficiente.

Malgré ses 38 ans, le décor de Robert Prévost demeure toujours une merveille : la maison de Bartolo, qui s'ouvre et se referme en un tournemain, n'a pas pris une ride depuis 1976. Quant à la mise en scène d'Oriol Tomas, le jugement est plus partagé. De façon générale, son Barbier est efficace et réussit souvent à faire mouche grâce à quelques bonnes trouvailles. Mais à force de vouloir constamment animer la scène, il l'encombre de détails inutiles qui finissent par irriter. Ainsi en est-il des quatre compagnes de Figaro qui n'ajoutent pas grand-chose au « Largo al factotum » et dont on ne comprend pas bien la présence pendant l'orage ou dans la scène finale. De même, l'air de la calomnie donne lieu à un curieux tableau dans lequel de mystérieux personnages affublés d'énormes têtes en forme d'ampoules viennent envahir le plateau sans justification véritable. Et comment expliquer le fait que Figaro, dans la scène du rasage de Bartolo, reluque Berta et perde ainsi complètement de vue toute la trame qu'il a ourdie ? En raison de ces incongruités, ce Barbier de Séville ne remplit pas entièrement ses promesses et constitue une fête d'abord et avant tout pour l'oreille.

L.B.

Voir aussi notre édition du Barbier de Séville : L’Avant-Scène Opéra n° 37 (nouvelle édition 2005)


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Photos : Yves Renaud.