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Christianne Bélanger (la mère), Caroline Bleau (Magda Sorel) et Étienne Dupuis (John Sorel). Photos :Yves Renaud.


Avec cette nouvelle production du Consul de Menotti, l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal prouve de façon éloquente comment la magie peut opérer dans un spectacle réunissant de jeunes artistes encore à l'aube de leur carrière. Car l'émotion que dégage la représentation, l'engagement dramatique de chacun des chanteurs ainsi que la justesse de la mise en scène concourent à rendre ce Consul exceptionnel à bien des égards.

Pour les fins de ces représentations que donne le Monument-National, François Vallières et Claude Webster ont réalisé un arrangement pour quintette à cordes, clarinette et piano. Jamais on ne regrette l'absence d'un grand orchestre dans la fosse, tant l'Orchestre de chambre McGill se lance avec intensité et brio dans cette partition. Faisant ses débuts au pupitre, le pianiste répétiteur et chef de chœur Claude Webster révèle des affinités évidentes avec la direction orchestrale; il sait bien respirer avec les chanteurs et souligner les moments forts de l'action.

Le très ingénieux décor, réalisé par Mylène Chabrole assistée de finissants de l'École nationale de théâtre du Canada, comporte notamment un vaste pan de mur qu'il suffit d'abattre après le premier tableau pour transformer la scène en salle d'attente du consulat. C'est sur cette rampe à l'inclinaison extrêmement forte que doivent patienter les différents personnages victimes d'une bureaucratie inhumaine et au sommet de laquelle la secrétaire fait office de cerbère. À la fin du deuxième acte, l'apparition du consul et de l'agent de police est projetée sur le mur du fond grâce à des ombres chinoises surdimensionnées, choix très judicieux qui permet de souligner à la fois le côté inaccessible du consul et le caractère secret de ses liens avec l'agent corrompu. Toute la mise en scène d'Oriol Tomas, ancien stagiaire de l'Atelier lyrique, sert d'ailleurs parfaitement l'intrigue avec ses moments pathétiques (la mort de l'enfant, la mort de Magda) et plus légers. À cet égard, les scènes avec le magicien, remarquablement joué par Aaron Ferguson, apportent un élément coloré bienvenu dans ce drame d'un pessimisme assez désespérant.

Dans le rôle de Magda Sorel, Caroline Bleau est bouleversante sur les plans vocal et dramatique. On croit vraiment à la souffrance infinie de cette mère qui perd son enfant et dont la seule issue possible est le suicide. Son air de la fin du deuxième acte (« To this we've come ») constitue un moment inoubliable. Artiste confirmé sur la scène internationale, Étienne Dupuis campe un John Sorel attachant et à la splendide voix de baryton. Aidan Ferguson traduit bien les étapes menant la secrétaire insensible à la femme capable de compassion. Christianne Bélanger, dotée d'une belle voix de mezzo, propose une mère merveilleuse de tendresse. Du reste de la distribution se distinguent notamment la soprano Karine Boucher et la mezzo Emma Parkinson. En somme, une soirée qui rend fort bien justice à Menotti.

L.B.


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