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Quatre ans après sa création lyonnaise, la belle partition de Tchaïkovski Mazeppa revient dans la ville, toujours selon la production de Peter Stein qui, orientalisme et spectaculaire aidant, obtient toujours le même succès. En 2006, c’est le baryton polonais Wojtek Drabowicz (fameux Onéguine ou Roi Roger, et créateur du Vershinin des Trois Sœurs d’Eötvös) qui incarnait l’hetman ukrainien ; brutalement disparu en 2007 à l’âge de 41 ans, cette série de représentations lui est dédiée. Mazeppa est désormais interprété par Nikolaï Putilin, concentré et tenu, plus opaque qu’ambigu face au Kotchoubeï extraverti d’Anatoli Kotscherga. Père outré, prisonnier poignant, ce dernier impose une présence aussi vaste que son corps, même s’il force parfois l’ombre de sa voix pour clamer plus que déclamer les douleurs de son beau personnage. Magnifique Maria, Olga Guryakova nous rappelle qu’elle possède un joyau en sa voix, en sa flamme et son grain moiré. Très solide mais un peu abrupt, le ténor de Misha Didyk (Andreï) reste trop monovalent, mais rend justice à sa partie de vaillance et d’éclat. Seul maillon faible de la soirée (au point d’être absente des saluts), la Lioubov de Marianna Tarasova exposait un trou béant dans le medium, sans cesse accusé par les phrases dévalées en amont et en aval et trahi en sons absents ou rauques. On espère que ce ne soit qu’une méforme passagère et pas un instrument trop fatigué. Le lyrisme tout en puissance de la partition et de sa vocalité trouvaient d’ailleurs leur limite dans l’acoustique sèche de l’Opéra de Lyon, conduisant le plateau à forcer souvent (combien de phrasés poussés trop haut pour Kotscherga !) et l’orchestre à sonner trop court et mat. Et ce, malgré la direction toute d’énergie et d’attention de Kirill Petrenko. Sans grâce aucune ni idée particulière dans sa direction d’acteurs, Peter Stein se contente d’une imagerie de conte slave élargi, empruntant autant aux steppes de l’Asie centrale qu’aux yourtes mongoles. Les décors de Ferdinand Wögerbauer alternent étrangement l’épure sèche et l’illustration luxuriante ; mais c’est la seconde inspiration seule qui trouve son écho dans les costumes d’Anna Maria Heinreich, toques et pelisses au rendez-vous. La scénographie reste donc indécise, hésitant entre stylisation et académisme, comme si aucune lecture originale ne se dégageait de l’ensemble. Les scènes collectives supportent certes l’attendu, des danses cosaques (un rien gentilles) au cabotinage des solistes laissés en roue libre ; mais les moments d’introspection, tous mis à nu sur fond visuel abstrait, nécessiteraient un autre travail de jeu et de finesse. L’ensemble de la production laisse néanmoins un sentiment de spectacle réussi, assez consensuel et efficace pour emporter l’adhésion.

C.C.

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Photos Opéra national de Lyon / Stofleth.