Arles, Actes Sud, 2017

Publié en collaboration avec l'Opéra national de Paris et la Bibliothèque nationale de France, cet ouvrage constitue le catalogue de l'exposition consacrée à Patrice Chéreau et visible au Palais Garnier jusqu'au 3 mars 2018.

L'exposition et son catalogue seront incontournables pour tout amateur d'opéra : l'on y prend la mesure de l'œuvre lyrique construit nolens volens par le metteur en scène en onze étapes, d'une Italienne à Alger (Spoleto, 1969) encore récalcitrante (mais si captivante dans ces photos où Chéreau, incarnant l'Impresario, toise une scénographie en abyme : exercice - et répertoire - auquel il ne se confrontera plus par la suite) à une Elektra entrée, le soir même de sa création, dans la légende (Aix-en-Provence, 2013), en passant par un Ring historique (Bayreuth, 1976), révolution copernicienne de la mise en scène wagnérienne qui ne serait désormais que lue à l'aune de ce coup d'Etat sur la Colline verte - lequel sut même se légitimer en l'espace de cinq étés, retournant comme un gant les menaces de mort (le message anonyme et glaçant adressé à Chéreau est exposé) en glorification sacrée.

Les espaces de la Bibliothèque-Musée de l'Opéra, harmonieusement habités par un accrochage élégant, offrent au visiteur des extraits vidéos d'interviews, de répétitions ou de représentations, tout comme de précieux documents privés (notes de travail, correspondance) où l'écriture bousculée de Chéreau semble porter sa fièvre intime (lui répond parfois, comme en clin d'œil, la graphie ascétique de Boulez ; l'on se prend alors à imaginer le dialogue fertile de deux élocutions si différentes). Le volume, lui, en reprend l'essentiel dans une mise en page tout aussi élégante, enrichie de témoignages pour certains issus de notre volume Opéra et mise en scène : Patrice Chéreau (ASO n° 281, 2014), pour d'autres neufs et, à chaque fois, sensibles et émus.

Actes Sud avait fait paraître en 2015 Patrice Chéreau, un musée imaginaire, à l'occasion de l'exposition-hommage organisée par la Collection Lambert d'Avignon. Qu'en l'espace de quatre ans trois ouvrages rétrospectifs aient été consacrés au travail de Patrice Chéreau, chacun avec sa spécificité et tous trois complémentaires (une analyse systématique de son travail lyrique, pour le numéro de l'ASO ; une reconstitution de l'imaginaire artistique l'ayant inspiré, pour le volume de 2015 ; un parcours visuel de son œuvre, pour le dernier en date), témoigne ô combien de la marque au fer rouge laissée par l'artiste dans notre siècle, brûlante de révélations à la fois insoutenables et éblouissantes.

C.C.