Ecrits du père de l'opérette présentés par Pascal Blanchet
Le Méjan, Actes Sud / Palazzetto Bru Zane, 2015, 220 p.

 

Florimond Ronger dit Hervé (1825-1892) est incontestablement un personnage important dans l'histoire du théâtre lyrique du XIXe siècle. « Père de l'opérette », ce compositeur de talent eut la malchance d'être en concurrence avec un musicien de génie, Jacques Offenbach. Si sa carrière et son œuvre ont déjà fait l'objet de travaux (notamment la biographie de Dominique Ghesquière et Renée Cariven-Galharret), Hervé n'en est pas moins passablement oublié et on ne peut qu'être intéressé par la publication de documents que propose ici Pascal Blanchet sous les auspices du Palazzetto Bru Zane.

Auteur d'une thèse de musicologie sur Hervé, Pascal Blanchet opte pour une démarche militante qui mériterait parfois d'être quelque peu nuancée. S'appuyant surtout sur le fonds Hervé de la Bibliothèque-musée de l'Opéra et sur le fonds Bertrand des Archives nationales, il a sélectionné trente-trois documents qui lui permettent de retracer chronologiquement la vie d'Hervé en donnant au maximum la parole au musicien.

L'organisation du volume aurait pu être optimisée : les sources précises des documents ne sont pas systématiquement fournies, une table des matières et un index auraient été utiles, la « chronologie comparée des carrières d'Hervé et Offenbach » en annexe aurait pu être remplacée par une liste détaillée du répertoire scénique d'Hervé. Quant au choix d'inclure des extraits de livrets (certes rédigés par Hervé lui-même), il brouille quelque peu le propos du livre.

Malgré ces réserves, le volume donne accès à des documents rares très intéressants - ce qui fait toute sa valeur. Pascal Blanchet, par exemple, cite longuement le numéro de La Gazette des tribunaux rendant compte du procès d'Hervé en 1856 pour détournement de mineur - événement si néfaste pour sa carrière (l'auteur de ce compte rendu remercie du reste Pascal Blanchet de rappeler que c'est dans sa biographie d'Offenbach que ce fait a été révélé !). Très intéressantes également sont les « Notes pour servir à l'histoire de l'opérette » qu'Hervé rédigea en juillet 1881, semble-t-il à la demande du  critique Francisque Sarcey. On y voit un musicien passablement amer qui se donne le beau rôle dans ses relations avec Offenbach. Plus généralement, les documents ici rassemblés permettent de prendre la mesure des difficultés auxquelles était confronté un compositeur dramatique au XIXe siècle, en particulier les liens (toujours délicats...) qu'il devait nouer avec les directeurs de théâtre. C'est donc autant le fonctionnement de la vie lyrique du XIXe siècle que la carrière d'Hervé que cet élégant petit volume au format de poche - certes plutôt destiné à un public de spécialistes - aide à mieux appréhender.

J.-C.Y.