Alain Buet (Pyrrhus), Emmanuelle de Negri (Polyxène), Guillemette Laurens (Eriphile), Jeffrey Thompson (Acamas), Les Enfants d'Apollon, dir. Michael Greenberg (2012).
CD Alpha 953. Distr. Outhere.

La tragédie lyrique est un genre d'autant plus difficile à réussir, pour ses auteurs comme pour ses interprètes, qu'elle rassemble davantage d'attraits : un "poème" sérieux, de nobles personnages, un chœur, un ballet, un grand orchestre, des machines, etc. Ni Lully, son "inventeur", ni Rameau, son tardif apôtre, n'y ont été constamment heureux - et, entre eux, pour quelques chefs-d'oeuvre signés Campra, Montéclair ou Leclair, combien de partitions bancales dues à Marais, Destouches ou Desmarets nous a révélées le Centre de musique baroque de Versailles ! Ce Pyrrhus (1730) de Royer, créé trois ans à peine avant Hippolyte et Aricie, n'entrera pas au panthéon des ouvrages immortels. En cause tout d'abord, un livret sentencieux, aux vers trop longs et discursifs, que le jeune compositeur (vingt-cinq ans) ne parvient pas à transcender. On compte certes quelques pépites au fil de ces cinq actes et un Prologue - surtout aux actes II et III : air d'Acamas, Chaconne et finale du II, italianisant "Dépit jaloux" d'Eriphile. Mais ailleurs les mélodies et orchestration apparaissent trop banales, le récit, surtout, trop plat, pour donner l'impression d'entendre une "voix" un peu personnelle. Il faut dire que l'interprétation reste elle aussi modeste. Le chœur "de solistes" peine terriblement dans la grande cérémonie en l'honneur d'Achille, l'orchestre, petit, n'est que correct, la direction trop timide. A l'exception d'Emmanuelle de Negri, digne et chaste Polyxène, les chanteurs principaux manquent de la distinction nécessaire à leurs rôles : Buet se montre bien plébéien en roi d'Epire épris de sa captive troyenne, et vocalise de façon besogneuse ; l'émission de Laurens, en sorcière jalouse, apparaît plus instable, précaire que jamais, tandis que Thompson impose à sa jolie voix de haute-contre des sanglots et appuis du plus mauvais effet. Ne parlons pas des rôles secondaires, à la limite de l'acceptable (l'Ombre d'Achille !). Même si l'on est toujours ravi de découvrir l'un des ouvrages peuplant l'interrègne Lully-Rameau, on comprend l'accueil malheureux reçu par celui-ci en son temps...

O.R.