Colin Balzer (Rübezahl), Daniel Ochoa (Jacob Landenhag), Sophie Harmsen (Marthe), Sarah Wegener (Anne), Christian Immler (Konrad Ehrmann), Tilman Lichdi (Heinrich), Patrick Pobeschin (Pux), Robert Buckland (le Veilleur de nuit / Url). Hofkapelle et Kammerchor de Stuttgart, dir. Frieder Bernius (live, 2012).
CD Carus 83.296. Distr. DistrArt Musique.

Sous-titré « opéra romantique », L'Esprit de la montagne de Franz Ignaz Danzi (1763-1826) met en scène le personnage de Rübezahl, très populaire dans les légendes germaniques et tchèques, qui a suscité l'intérêt de plusieurs compositeurs comme Weber, Spohr, Flotow et même Mahler. Créé à Karlsruhe en 1813, l'ouvrage de Danzi présente une intrigue passablement alambiquée, dans laquelle Rübezahl, prince des gnomes, multiplie les efforts (et les métamorphoses) afin de rompre le maléfice qui tient endormie pour une période de cent ans sa compagne, la reine des sirènes Erli. Pour conjurer le sort, le gnome doit trouver une jeune vierge d'une pureté parfaite, qui doit toucher la sirène pour que cette dernière puisse émerger de son sommeil. Ami de Weber, dont il soutint l'œuvre en tant maître de chapelle du roi de Wurtemberg, Danzi composait beaucoup plus dans le style de Mozart et de Haydn que dans celui des musiciens annonçant l'éclosion du romantisme. Si l'on associe aujourd'hui son nom d'abord à la musique de chambre, sa production lyrique n'en mérite pas moins le détour, comme en témoigne ce premier enregistrement d'une œuvre attachante, parfois émouvante quoique dépourvue d'une réelle force dramatique. Malgré son sujet on ne peut plus fantastique, l'opéra se situe en effet bien loin des atmosphères enfiévrées et hallucinantes de Spohr, Weber ou Marschner.

L'extrême qualité de l'interprétation compense toutefois la relative faiblesse de l'œuvre et il faut savoir gré à Frieder Bernius de nous révéler ce volet de l'histoire musicale de l'Allemagne. À la tête de l'orchestre de la Hofkapelle et du Kammerchor de Stuttgart, Bernius livre une lecture parfaite d'équilibre et de splendeur sonore. Très solide, la distribution est dominée par Daniel Ochoa et Sophie Harmsen, qui chantent les parents d'Anne, la jeune fille qui permettra le réveil d'Erli. Robert Buckland fait entendre pour sa part une magnifique voix de ténor dans les deux rôles d'Url et du Veilleur de nuit. Quant à Colin Balzer, il manque de fougue pour rendre vraiment crédibles les affres du personnage de Rübezahl. Ce Berggeist est certes un opus mineur, mais Bernius et son équipe justifient pleinement sa résurrection.

L.B.