Waltraud Meier (Sieglinde), Simon O'Neill (Siegmund), John Tomlinson (Hunding), Nina Stemme (Brünnhilde), Ekaterina Gubanova (Fricka), Vitalij Kowaljov (Wotan), Orchestre de La Scala de Milan, dir. Daniel Barenboim, mise en scène : Guy Cassiers (Milan, 7.XII.2010).
DVD Arthaus Musik 101694. Distr. Harmonia Mundi.

Rheingold nous avait déconcerté avec sa direction sans nerf et son corps de ballet échappé du Venusberg. Walküre nous réconcilie avec Barenboim, direction large et sostenuto donnant de l'espace aux chanteurs, et avec la régie de Cassiers, cette fois tout en direction d'acteur, sans artifice superflu. Reste un écueil : le spectacle ne se voit vraiment que lors des prises rapprochées, les plans d'ensemble montrant une image scénique brouillée par les projections et les éclairages. C'est, avec un Wotan trop clair, à l'allemand brouillon et incapable de chanter legato - Kowaljov, on espérait Pape ! -, la seule réserve qui prive cette première Journée du Ring scaligère de sa Révérence.

Car tous enflamment la scène, à commencer par les jumeaux - Waltraud Meier étreint avec sa Sieglinde torche vive, mettant dans son chant une ardeur, une intensité des notes comme des mots, et jouant les cartes d'un théâtre des sentiments qui rappellent quelle actrice d'exception elle demeure. Le Siegmund très grand format, de voix comme de stature, de Simon O'Neill - un des rares Otello du moment - vous prend par l'ampleur et l'élan de sa déclamation, son timbre corsé, ses aigus madrés qui en feraient enfin le Siegfried qu'on espère. Ses « Wälse ! », son duo final du I donnent le frisson. Et surprise, John Tomlinson qui vient jouer les utilités en Hunding retrouve le mordant de sa voix et joue finement un mari vieillissant et jaloux décidément bien vu. Que Nina Stemme paraisse au II et les jeux sont faits ; pas d'autre Brünnhilde à l'horizon, toujours en voix aussi somptueuse, les aigus sont pris droits, dans le souffle et sans jamais un effort. Mais surtout et presque malgré tant de magnificence, le personnage fascine : bonne fille d'abord, puis compatissante avec Siegmund - leur confrontation est clouante d'émotion contenue - et prise au III dans un dilemme de conscience face à Wotan subtilement détaillé. Si Guy Cassiers laisse le génie dramatique de Meier s'emparer de la scène - elle tombe à la renverse lorsque Siegmund retire Nothung du frêne, chute qu'on ne croit pas feinte -, il guide habilement O'Neill qui se blesse avec l'épée et ensanglante sa jumelle, et Stemme, dont les plans rapprochés dévoilent un jeu intériorisé, pensé plutôt pour la caméra que pour la scène. Ekaterina Gubanova campe une Fricka noble, hautaine, au chant somptueux, les Walkyries - mention spéciale à la Schwertleite d'Anaïk Morel - font assaut d'héroïsme, emportant une soirée qui prouve que oui, décidément, le chant wagnérien connaît une renaissance.

J.-C.H.