Ewa Podles (Ciro), Michael Spyres (Baldassare), Jessica Pratt (Amira), Carmen Romeu (Argene), Mirco Palazzi (Zambri), Robert McPherson (Arbace), Raffaele Costantini (Daniello). Orch. et Ch. du Teatro Comunale di Bologna, dir. Will Crutchfield, mise en scène : Davide Livermore (Pesaro, août 2012).
DVD Opus Arte / Unitel Classica OA 1108 D. Distr. DistrArtMusic.

Ouvrage de jeunesse de Rossini, Ciro in Babilonia fêtait ses 200 printemps lors de cette production captée à Pesaro en 2012 et reprise du festival de Caramoor (USA) que dirige justement Will Crutchfield. Pour l'anecdote, on relèvera la présence du fameux air « sur une note » d'Argene (« Chi disprezza gl'infelici »), composé par Rossini pour Anna Savinelli et ses moyens limités.

Hélas, le seul atout de ce DVD réside dans une scénographie photogénique et astucieuse. Idée de base : nous assistons à une projection de cinéma muet, en l'occurrence un péplum hollywoodien - dès lors, un certain kitsch s'impose aussi, entre perruques étrusques et maquillages charbonneux... Dès l'ouverture, rien ne manque - du projectionniste à l'ouvreuse, des choristes-spectateurs en vêtements années 20 à la vidéo projetant le décor (un vaste temple et ses parois en perspective) et les cartons d'intertitres qui vont avec, en passant par les costumes luxuriants des protagonistes, mêlant Antiquité et Années folles. Même le pianoforte des récitatifs évoque le bon vieux piano des premières salles obscures !

Visuellement, on a donc mis les moyens... en les prenant peut-être sur la préparation théâtrale (bien faible direction d'acteurs) ou, plus grave quand il s'agit de la première captation vidéo d'une redécouverte rossinienne à Pesaro - et avec édition critique ! -, sur l'investissement musical. Comment se satisfaire d'un orchestre atone aux tempi mous, aux imprécisions permanentes, aux cordes étiques ? d'un chœur tout aussi délavé ? de comprimari parfois à peine admissibles ? Ainsi entourée, même la grande Ewa Podles, qui ne fait qu'une bouchée de la tessiture et de l'écriture meurtrières de Ciro, le plus grand rôle de contralto dramatique écrit par Rossini - pour Maria Marcolini -, avoue des hululements étranges, provoquant alternativement l'admiration et l'effroi. Le chant généreux de Spyres, la vocalité pyrotechnique quoique parfois instable de Pratt, sont les autres tenants d'un chant rossinien professionnel qui ne parvient pas à emporter l'enthousiasme, tant la faiblesse de la réalisation musicale d'ensemble invalide une proposition au plumage bien plus affriolant que le ramage.

C.C.