Neil Shicoff (Ernani), Carlos Álvarez (Don Carlo), Roberto Scandiuzzi (Don Ruy Gomez de Silva), Michèle Crider (Elvira), Liliana Ciuca (Giovanna), Benedikt Kobel (Riccardo), Aik Martirosyan (Jago), Ch. et Orch. de la Wiener Staatsoper, dir. Seiji Ozawa (live, Vienne 14.XII.1998).
CD Orfeo C 861 1321. Distr. Harmonia Mundi.

Après sa création à Venise en mars 1844, Ernani a été présenté à Vienne grâce à l'actif soutien de Gaetano Donizetti, pour devenir l'un des opéras verdiens les plus régulièrement représentés dans cette ville jusqu'au milieu des années 1920. S'ensuivit une curieuse absence de 73 ans, que cette production de 1998 (mise en scène par Graham Vick) venait rompre. Si elle ne se hisse pas au niveau des références historiques (Bonynge avec Pavarotti et Sutherland, Schippers avec Bergonzi et Price, Mitropoulos avec Cerquetti...), elle témoigne néanmoins d'un beau retour de l'ouvrage et faisait, à échelle locale, événement : Ozawa dirigeait là sa première nouvelle production viennoise, avant de devenir bientôt (en 2002) le directeur musical de la Staatsoper ; Neil Shicoff, lui, allait être nommé Wiener Kammersänger à l'occasion de cette production. Il faut dire qu'il est ici particulièrement à son affaire, clair et fougueux, fringant et intense dans son incarnation du « bandit malgré lui », et en pleine possession de moyens impeccablement convoqués, qui savent compenser le moindre volume ou une couleur peu latine par une exactitude du geste vocal et de son intention. Autour de lui, si Michèle Crider, de son timbre opulent mais aux extrêmes assez tirés, ne dessine qu'un portrait incomplet de la juvénile Elvira, Roberto Scandiuzzi est lui aussi à son meilleur - sans les sons étouffés qu'il laisse parfois encombrer son timbre noble -, et Carlos Álvarez réalise, avec le roi Don Carlos, l'une de ses incarnations verdiennes les plus réussies, car majestueuse : on est pris par sa scène à Aix-la-Chapelle, à laquelle il confère une belle profondeur. Ozawa joue l'énergie et la concision - au prix de moult coupures, d'ailleurs -, sans craindre néanmoins les longs silences dramatiques. Au final, un vrai beau live qui, même s'il n'est pas vocalement idéal, peut convaincre. Une captation vidéo se serait peut-être mieux imposée encore, le catalogue disponible étant avare en propositions modernes.

C.C.