Edward Grint (The Poet), Lucy Williams (Princess Death), Julian Podger (Orpheus), Emily Phillips (Eurydice), Andrew Radley (Raymond), New Music Players, dir. Carlos del Cueto (live, Canterbury 2012).
CD Métier MSV 77203 (CD + DVD). Distr. Abeille Musique.

Un poète, en train de déplorer la perte de son amant Raymond, reçoit un appel téléphonique : on lui propose une commande pour un prestigieux théâtre. Malgré son refus, il tente de se mettre au travail, flatté par la proposition. Une mystérieuse Princesse, en qui il finira par reconnaître la Mort, vient lui soumettre un choix cornélien : rejoindre son amour ou accomplir sa destinée d'artiste. Pour son troisième opéra, le Britannique Ed Hugues s'est doté d'un sujet original, librement inspiré de la relation de Jean Cocteau et de Raymond Radiguet. Le livret de Roger Morris est adroit, poétique, émaillé de quelques pointes d'humour, mais n'offre pas un grand potentiel scénique, si bien que le dispositif de concert avec vidéo (Loren O'Dair & Peter Kirk) et projections lumineuses (Will Reynolds), tel qu'on le découvrira sur le DVD joint, reste sans doute la meilleure approche possible de cette belle pièce.

On n'est guère surpris, à l'écoute de cette musique brillante, énergique, et dont la qualité la plus immédiatement perceptible est sa grande clarté, de retrouver dans le pedigree musical de ce compositeur né en 1968 les illustres et féconds professeurs Alexander Goehr et Michael Finissy. Si on est ici aux antipodes d'une esthétique fusionnante de l'orchestration, le langage reste ouvert et séduisant, très inventif sur le plan harmonique. La fluidité des lignes vocales réussit aux cinq jeunes chanteurs, tous excellents. Le baryton Edward Grint parvient à ne pas reporter sur sa vocalité la tension inhérente à son rôle, tandis que la mezzo Lucy Williams dispose d'une palette suffisamment large pour convaincre autant dans la menace que dans la provocation et le charme enjôleur, que l'on aimerait cependant voir théâtralisées davantage. Orphée, convoqué comme Eurydice en référence au film de Cocteau, est traité de façon beaucoup plus lyrique. Secondaire mais fort bien servi par le contre-ténor Andrew Radley, le personnage de Raymond apporte une petite touche d'irréel très bénéfique à l'ambiance de l'opéra.

Si l'on ajoute à tout cela une électronique parcimonieuse mais très soignée dans le premier interlude comme pour quelques traitements live de la voix, ainsi qu'un ensemble instrumental très précis et dirigé avec beaucoup d'attention, on a ici tous les ingrédients d'une production de haut standing.

P.R.