Bryan Hymel (Enée), Eva-Maria Westbroek (Didon), Anna Caterina Antonacci (Cassandre), Fabio Capitanucci (Chorèbe), Hanna Hipp (Anna), Ashley Holland (Panthée), Barbara Senator (Ascagne), Brindley Sheratt (Narbal), Ji-Min Park (Iopas), Ed Lyon (Hylas), Jihoon Kim (l'Esprit d'Hector), Robert Lloyd (Priam). Chœur et Orchestre du ROH Covent Garden, dir. Antonio Pappano. Mise en scène : David McVicar (Londres 2012).
DVD Opus Arte 0A 1097 D. 2 CD. Distr. DistrArtMusic.

Entre Les Troyens et Covent Garden, l'histoire a commencé en 1957 avec Rafael Kubelik et Sir John Gielgud, avant de se poursuivre glorieusement grâce à Sir Colin Davis. Antonio Pappano prend la relève, à travers une intégrale qu'on placera à une hauteur certaine, mais pas au sommet. Anna Caterina Antonacci confirme néanmoins sa maîtrise du grand style tragique, notamment par l'art souverain de la déclamation. Certes moins en voix qu'au Châtelet pour Gardiner en 2003, elle reste cette Cassandre hallucinée, authentique figure de tragédie. La Didon d'Eva-Maria Westbroek ne se situe pas loin, même si l'intimité avec le chant français sent parfois un peu l'effort ; à cette noble reine il manque seulement une tessiture plus centrale, dans surtout les deux derniers actes. Les hommes, eux, nous ramènent malheureusement à l'époque où les chanteurs anglophones - auxquels s'ajoute ici le Chorèbe de l'Italien Fabio Capitanucci - violentaient la prosodie française, se mettant ainsi hors style, sinon hors jeu. Cela dit, Iopas et Hylas chantent fort bien. Quant à Bryan Hymel, qui remplaçait Jonas Kaufmann, la nasalité du timbre, avec parfois des côtés Vickers du pauvre, se trouve finalement compensée par un chant scrupuleux et nuancé.

Antonio Pappano rattache pertinemment Les Troyens au grand opéra français, plus fluide et plus coloré que de coutume, créant une belle ambiance nocturne au quatrième acte. Passons donc sur certaines baisses de tension, ici ou là. La direction fait oublier les lacunes de la production, pourtant signée David McVicar. Les deux volets de l'histoire n'inspirent pas également le metteur en scène écossais. La fin de Troie le stimule, axée sur Cassandre dont il accompagne les visions de gestes d'une grande éloquence, dans la plus pure tradition de la grande tragédie. Les Troyens se croient protégés par une structure cylindrique, entre le bunker et la tourelle de cuirassé, où pénètre un immense cheval métallique, assemblage de divers matériels de guerre, signe fallacieux d'armes déposées. Ces Troyens sont sujets d'un Priam-Napoléon III dérisoirement sénile, comme si Sedan allait, sept ans après la création partielle - sans cette partie, entre autres... - de l'œuvre, ressusciter le désastre légendaire. L'épisode carthaginois, en revanche, révèle un McVicar à court d'idées, ne gérant plus que les affaires courantes en bon professionnel, trop confiant dans un artisanat de convention assez étonnant pour quelqu'un de généralement beaucoup plus inventif...

D.V.M.