Anna Stéphany (Serse), David Daniels (Arsamene), Rosemary Joshua (Romilda), Joelle Harvey (Atalanta), Hilary Summers (Amastre), Brindley Sherratt (Ariodate), Andreas Wolf (Elviro), Early Opera Company, dir. Christian Curnyn (2012).
CD Chandos 0797. Distr. Abeille Musique.

Après Sémélé, Partenope, Flavio, Alceste, Curnyn poursuit dans Haendel son petit bonhomme de chemin - une expression qui n'a jamais parue si juste, étant donné la modestie de cette direction, incolore, sans nerf, souffle ni caractère, qui paraît parfois même totalement s'absenter, à l'acte II, pour sortir de sa léthargie, sans raison apparente, à l'acte III. Les tempos sont vifs, certes, mais cela suffit-il à exorciser l'ennui ? Particulièrement dans ce tardif Serse (1737), ouvrage théâtral semi-buffa dont la grosse quarantaine de morceaux évite presque constamment le da capo et où la musique change sans cesse de mesure comme d'« esprit » ? Forte d'une vingtaine de membres (sans doute moitié moins que ce qu'en comptait l'orchestre de Haendel), la Early Opera Company se complaît toujours dans son esthétique de cantate, au point que lorsque le chœur fait soudain irruption dans le paysage, il paraît énorme (les choristes sont au nombre de... dix !). Livrés à eux-mêmes, les chanteurs font de leur mieux, ou se contentent de cachetonner - l'alto Hilary Summers (déjà assommante en Rosmira et Teodata) penchant pour cette dernière option et chantant de bout en bout son rôle de princesse vindicative comme s'il s'agissait de réclamer le sel. Les deux clefs de fa (Sherratt et Wolf) n'apparaissent pas très concernées non plus, tandis que pour le contre-ténor David Daniels, grand spécialiste du rôle aigu et pathétique d'Arsamene, l'enregistrement vient un peu tard (le legato d' « Amor, tiranno amor » reste superbe mais les vocalises rageuses de « Si, la voglio » déraillent). Jolie découverte que celle du timbre fruité de Joelle Harvey, Atalanta moins pointue que de coutume mais manquant encore d'alacrité (fin de l'acte I). Dans le rôle de sa sœur, Rosemary Joshua sauve à nouveau quasiment la mise à elle seule, en dépit de couleurs peu variées, par la grâce d'un chant concerné, plein de nuances et de sensibilité. Et puis l'on attendait beaucoup de la jeune mezzo Anna Stéphany, notamment remarquée pour son Annio mozartien sous la baguette de Colin Davis (Festival d'Aix-en-Provence 2011) : comme prévu, le rôle du monarque perse, dont elle ne possède pas les graves ni la démesure, reste un peu lourd pour elle, mais voici enfin un Serse aux aigus acérés (« Se bramate », « Crude furie », où peinait un peu la merveilleuse Carolyn Watkinson) et à l'enthousiasme juvénile (« Il core spera e tema »). Une promesse plus qu'un accomplissement...

O.R.