Rita Streich (Annina), Nicolai Gedda (Guido), Hermann Prey (Enrico Piselli), Anneliese Rothenberger (Constantia), Gisela Litz (Agricola), Cesare Curzi (Caramello), Christine Görner (Ciboletta), Marjorie Heistermann (Barbara), Hans Günther Grimm (Pappacoda). Orch. symphonique Graunke, chœur de la radio bavaroise, dir. Franz Allers (1967).
CD EMI, collection « Electrola », 50999 6 15078 2 1 (2 CD). Distr. EMI.

Seule opérette de Strauss dont la création n'eut pas lieu à Vienne (mais plutôt à Berlin, en 1883), Une nuit à Venise présente une intrigue à ce point alambiquée qu'il est inutile de chercher à y comprendre quoi que ce soit. À l'occasion d'une reprise au Théâtre an der Wien en 1923, Ernst Marischka (le réalisateur des trois Sissi) révisa le livret, tandis que Korngold retravailla l'orchestration et ajouta quelques numéros d'après des motifs de Simplicius. C'est la version la plus souvent retenue, notamment par Otto Ackermann en 1954 pour son enregistrement de référence, avec Schwarzkopf, Gedda et Kunz.

Treize ans plus tard, le chef Franz Allers concocta pour les fins de ce coffret une nouvelle version de son propre cru, en ajoutant le personnage de Constantia et quelques autres airs et ensembles qu'il emprunta au Carnaval à Rome (1873) et à Casanova (1928), opérette que Benatzky réalisa à partir de différents ouvrages de Strauss. L'auditeur ne s'y retrouvera pas davantage dans l'action, d'autant plus qu'aucun livret ou synopsis n'accompagne les disques. Reste le plaisir d'une musique souvent irrésistible, voire entêtante, que l'orchestre caresse avec volupté et que la distribution sert globalement très bien. Hermann Prey et Nicolai Gedda, au sommet de leur art, sont la santé vocale incarnée. Rita Streich et Anneliese Rothenberger, deux merveilleuses cantatrices au demeurant, s'avèrent un peu moins convaincantes, la première en raison de son timbre légèrement aigrelet et la seconde à cause de notes aiguës périlleuses. C'est au ténor Cesare Curzi que revient le magnifique « Komm in die Gondel » qu'il entonne avec ardeur, mais dont les coups de glotte et le relatif manque de nuances ne peuvent rivaliser avec les interprétations infiniment plus suaves de Tauber, Wunderlich ou Kónya. En dépit de Prey et Gedda, cette réédition ne bouleverse pas la discographie, que domine toujours la version Ackermann.

L.B.