René Kollo (Tristan), Robert Lloyd (le Roi Marke), Gwyneth Jones (Isolde), Gerd Feldhoff (Kurwenal), Hanna Schwarz (Brangäne), Peter Edelmann (Melot). Chœur et Orch. de la Deutsche Oper Berlin, dir. Jiri Kout, mise en scène : Götz Friedrich (Tokyo 1993).
DVD ArtHaus 102317. Distr. Harmonia Mundi.

Captée au NHK Hall de Tokyo les 24 et 29 septembre 1993, cette étape de la tournée japonaise de la Deutsche Oper Berlin jadis éditée chez TDK nous revient aujourd'hui. Elle nous vaut la rare Isolde de Gwyneth Jones - Paris 1985 (Janowski / Hampe) dormant encore dans les archives de la télévision française. C'est malheureusement bien tard, et le vibrato déborde la ligne de chant autant que les aigus tirés altèrent le timbre - quand la présence féminine et sensible est, elle, d'une grande intensité. C'est une Isolde femme avant que d'être princesse, chair et flamme avant que d'être mythe. Malgré ses moyens vocaux affectés, Jones parvient, pour la Mort, à une extase frappante. Le Tristan de Kollo, quoiqu'au chant parfois relâché, est crédible, humain lui aussi, et son récit du IIIe acte est d'une belle fièvre, emporté, fulgurant parfois. La Brangäne d'Hanna Schwarz a fière allure, malgré quelques duretés, comme le Kurwenal pénétrant de Gerd Feldhoff, parfois au bout de son engagement pourtant. Et on est touché par le roi altier et douloureux de Lloyd, comme par une direction musicale élégante voire troublante (le IIIe acte, toujours), sinon suprême (un orchestre qui mériterait plus de fondu, un chœur qui met du temps à entrer en sa justesse). La régie de Friedrich est classique et très harmonieuse - photogénique, avec ses matériaux bruts, bois et roc, comme éclairés par la lune seule -, mais la caméra de Shuji Fujii en reste à des plans de relative banalité. Si attachant qu'il soit, l'ensemble ne peut donc rivaliser avec les bijoux que la vidéographie de Tristan a désormais engrangés : Jordan et Py à Genève (2005, Bel Air), et l'Isolde de Waltraud Meier par deux fois sous la baguette de Barenboim, d'abord mise en scène par Müller à Bayreuth (1995, DG) puis par Chéreau à Milan (2007, Virgin).

C.C.