Miah Persson (Fiordiligi), Angela Brower (Dorabella), Mojca Erdmann (Despina), Rolando Villazón (Ferrando), Adam Plachetka (Guglielmo), Alessandro Corbelli (Don Alfonso). Chamber Orchestra of Europe, Vocalensemble Rastatt, dir. Yannick Nézet-Séguin (2013).
CD DG 479 0641. Distr. Universal.

Après un Don Giovanni prometteur (cf. L'ASO n° 275) et en attendant Le nozze, Idomeno, etc., Nézet-Séguin poursuit son enregistrement des « grands » Mozart, celui-ci ayant été capté - il faut le préciser, puisque la pochette ne le fait pas - en concert, à Baden-Baden. Dans cette ambiance chaleureuse, le chef canadien (de trente-huit ans) fait à nouveau la preuve de sa maturité, laissant s'épanouir un geste plein de souplesse, de liberté, qui sait éviter les deux écueils menaçant chaque interprète de ce dramma giocoso : la superficialité et le syndrome « visite guidée », consistant à souligner chaque effet d'une partition extrêmement travaillée. Si le mouvement est souvent rapide (l'enchaînement des récits et des morceaux), il sait s'alanguir pour souligner la tendresse d'un passage (« Prenderò quel brunettino ») ou, au contraire, s'affoler jusqu'à annoncer Rossini (coda du premier finale, très efficace). Le talentueux Orchestre de Chambre d'Europe parvient aussi à tenir le juste milieu entre raffinement chambriste (les violoncelles dans le premier « air » d'Alfonso) et dynamique orchestrale (notons la variété d'accents de la percussion). On peut imaginer Così plus grinçant, sarcastique (Jacobs) ou, au contraire, plus contemplatif (Klemperer), mais cette lecture a pour elle un sens communicatif de l'empathie.

Moins disparate et moins glamour que la distribution de Don Giovanni, celle de ce Così fait la part belle à l'esprit d'équipe, réussissant des ensembles toujours vifs et équilibrés. Elle s'articule sur trois fortes personnalités et trois autres moins marquantes. La Fiordiligi soyeuse de Persson déborde de sensualité et n'avoue ses manques que dans la rage froide de « Come scoglio » ; le Ferrando ensoleillé, viril et éminemment sexy de Villazón (qui se dispense d'« Ah, lo veggio ») chante hélas presque toujours forte et trop ouvert, mais nous change des sigisbées à la viennoise ; quant à l'Alfonso disert et bienveillant de Corbelli, il demeure, malgré l'âge, l'un des meilleurs qui soient. Le « second couple d'amoureux », en dépit de ses qualités techniques, laisse moins de souvenirs, faute de couleurs dans le timbre et de subtilité dans l'expression, tandis que la Despina prodigue en contre-notes reste bien maigrelette, à notre goût. Cette version n'atteint donc pas aux sommets vocaux de celles de Karajan (EMI 1954), Böhm (Decca 1955) ou Rosbaud (INA 1957), mais laisse bien augurer de la relève mozartienne, comme de la suite de cette série d'intégrales.

O.R.