Dietrich Henschel (Ulisse), Vesselina Kasarova (Pénélope), Jonas Kaufmann (Telemaco), Isabel Rey (Minerva), Thomas Mohr (Eumete), Malin Hartelius (Melanto), Rudolf Schasching (Iro). Orchestra La Scintilla, dir. Nikolaus Harnoncourt, mise en scène : Klaus Michael Gruber (Zurich 2002).
DVD Arthaus Musik 101 660. Distr. Harmonia Mundi.

Ce DVD (nouveau packaging pour une version déjà publiée par Arthaus en 2003) est à la fois la troisième interprétation de l'œuvre gravée par Harnoncourt, et son second enregistrement vidéo. Ce pionnier de la musique ancienne avait été, en 1971, le premier à enregistrer l'intégralité du Ritorno d'Ulisse avec instruments anciens (Teldec). En 1978, Jean-Pierre Ponnelle filmait la mise en scène mythique qu'il avait conçue pour l'Opéra de Zurich (DG/Unitel). Harnoncourt avait, pour l'occasion, remanié son arrangement initial, faisant d'importantes coupures, changeant la tessiture de quelques rôles, transposant certains passages. En 2002 et 2004, l'Opéra de Zurich l'invite à nouveau pour deux nouvelles productions d'Ulisse et de Poppea. Son dernier Ulisse ne parvient pas à renouveler les éblouissements passés et, surtout, révèle une interprétation musicale figée dans ce passé. La partition employée est dans le même état que dans la version de 1978 (mêmes coupures, transpositions et orchestrations), jusque dans sa réalisation de la basse continue, souvent écrite in extenso. L'ensemble « d'instruments anciens », aussi opulent qu'un « orchestre Mozart », paraît aujourd'hui trop monumental, voire anachronique : de discutables harpes celtiques modernes tiennent lieu de harpes triples baroques. Ce qui était tolérable en 1970 ne l'est plus guère quarante années plus tard. Le plateau vocal réunit quelques « stars », pas toujours à leur place. Dietrich Henschel est un Ulisse par trop emphatique, au chant empesé, Jonas Kaufmann ne manque pas de vaillance, mais son Télémaque est trop peu juvénile pour être crédible. Isabel Rey est agile, tant sur scène que dans son chant, mais sa voix vibre trop. En revanche, Vesselina Kasarova campe une Pénélope impériale et profondément humaine, quoique trop statique, touchant aux mêmes sommets de pathétisme qu'avait atteints la sublime Trudeliese Schmidt dans la version Ponnelle. Dans des décors et des costumes peu flatteurs (pauvres Dieux !), avec une direction d'acteur minimale (regards perdus, personnages abandonnés à leurs accessoires), la mise en scène de Gruber multiplie les clichés : théâtre dans le théâtre (engendrant de graves invraisemblances dans les scènes des Prétendants), mélange des références visuelles pour créer la contemporanéité. Elle veut tant styliser que la vérité et l'intemporalité du drame disparaissent. Pour retrouver l'essence de la tragédie montéverdienne, il convient donc de retourner à la version Ponnelle ou de se tourner vers la féerique production d'Adrian Noble et William Christie (Virgin Classics).

D.M.