Cappella Mediterranea, Chœur de chambre de Namur, dir. Leonardo García Alarcon (2012).
CD Ambronay 036. Distr. Harmonia Mundi.

En 2010, Alarcon, déjà en résidence à Ambronay, avait créé l'événement en exhumant un premier oratorio du Calabrais Michelangelo Falvetti (1642-1692), Il diluvio universale, page haute en couleurs qui eut même droit à une diffusion télévisée. Il récidive aujourd'hui avec un Nabucco (1683)... de la même eau. Il y pousse encore plus loin son goût de la polychromie, convoquant une trentaine d'instruments non prescrits, parmi lesquels moult flûtes (incluant des ney et kaval turcs aux voix nasillardes ou sépulcrales), cornets, saqueboutes, chalumeaux, galoubets, colascione, sans compter d'exotiques percussions iraniennes. à l'instar de ceux de Carissimi, cet oratorio juxtapose une première partie contemplative à une seconde plus dramatique, évoquant davantage les légendes d'Hérode et de Balthazar que le Nabucco de Verdi : effrayé par un songe prémonitoire, le roi de Babylone convoque les savants du royaume puis, en dépit des admonestations du prophète Daniel, exige que l'on se prosterne devant sa statue dorée ; trois jeunes Juifs s'y étant refusés, ils sont condamnés à périr dans une fournaise dont les flammes, miraculeusement, les épargnent. Le Prologue qui fait intervenir l'Euphrate, l'Orgueil et l'Idolâtrie, ne manque pas de panache, pas plus que la fête païenne, relevée de chœurs polyphoniques. Le fleuve frémit, le brasier rougeoie, les idoles s'illuminent, la foule enivrée psalmodie (superbe apport du Chœur de Namur), en une débauche de sonorités digne d'une superproduction de Cecil B. DeMille. Cette efflorescence ornementale, qui n'est pas sans rappeler les styles de Garrido ou de Pluhar, sert-elle véritablement la musique ? En concert, sans doute ; au disque, ça se discute. Si les inflexions orientales et rythmes populaires ne sont pas absents de la partition métissée du maestro de Palerme, on ne peut se défendre d'un certain agacement à l'écoute de ce melting-pot méditerranéen, finalement banalisé par trop références et manières : l'ultime prière d'Anania doit-elle vraiment se transformer en danse du ventre ? Et, à force d'imitations et ornements, les instruments ne finissent-ils pas par étouffer les solistes, particulièrement les fragiles sopranos incarnant les trois enfants juifs ? Si le ténor Fernando Guimaraes campe un Nabucco plus juvénile qu'imposant, à la colère un peu surjouée, les deux basses (l'Euphrate de Matteo Bellotto et le Daniel d'Alejandro Meerapfel) sont une fois de plus remarquables - les autres interprètes, en revanche, se laissent engloutir par le geste chantourné du grand-prêtre Alarcon...

O.R.