Lenka Macikova (la Marquise), Katerina Knezikova (Vespetta), Ales Briscein (le Comte), Jaroslav Brezina (Patrizio). Schwarzenberg Court Orchestra, dir. Vojtech Spurny, mise en scène : Ondrej Havelka (Krumlov 2011).
DVD Opus Arte 1104. Distr. Codaex.

Voici un coffret bien énigmatique : une œuvre inconnue d'un compositeur qui l'est tout autant (les Scarlatti, on voit qui c'est, mais « Giuseppe » ?), donnée par des interprètes inconnus dans un château inconnu (Cesky Krumlov, ça vous dit quelque chose ?). Heureusement, l'éditeur a soigné son coffret, pris le soin d'adjoindre une visite touristique à l'opéra et, peu à peu, on tombe sous le charme de cette production. Il faut dire que ses atouts sont de taille : un romantique castel tchèque, un théâtre des années 1680 totalement préservé, une scénographie d'époque recréée dans les moindres détails mais sans didactisme.

Comme à Drottningholm mais avec davantage d'humour, les toiles peintes et portants représentant salons rococos ou jardins enchantés s'envolent, se fondent les uns dans les autres, se métamorphosent à la vitesse de l'éclair. La caméra n'hésite pas à cadrer le dessous des machineries (comment recrée-t-on le tonnerre, la pluie, le vent ?), ou l'orchestre qui joue en costumes xviiie, ou encore le chef, qui dirige à l'aide d'une partition roulée. La direction d'acteurs, drôle et sans prétention, ne se relâche guère, et l'on sent que la petite troupe a bien intégré le rythme de l'œuvre.

Assez originale, cette partition de Giuseppe Scarlatti (1718 ?-1778), neveu probable de Domenico, qui tint auprès du prince Schwarzenberg le rôle que tiendra Haydn, vingt ans plus tard, chez les Estheràzy. éloignées de la métropole viennoise, ces petites mais riches cours provinciales pouvaient commanditer un art moins officiel, plus frondeur : l'opéra buffa Dove è amore, è gelosia, écrit en 1767 à l'occasion d'un mariage (!), tient ainsi le milieu entre l'intermezzo, la comédie goldonienne et le théâtre de Marivaux. Quatre protagonistes seulement, les uns trop jaloux, les autres pas assez qui, durant seize scènes, épuisent les délices du soupçon amoureux, à coups de travestissements, mensonges et faux duels. Extrêmement réactive, la musique de Scarlatti suit tous les mouvements du texte de Coltellini, évite les redites, multiplie les surprises (un air se change en duo, puis en récit, puis en trio) et les effets picturaux, servis avec verve par un orchestre aux vents trop discrets. Bien que la distribution d'origine ait été confiée à de nobles amateurs (deux sopranos, deux ténors) et que les exigences de la partition ne soient pas excessives, les chanteurs s'avèrent hélas encore bien verts, notamment côté messieurs. Cela gâche un peu notre plaisir, sans ternir la joie de la découverte.

O.R.