Juan Francisco Gatell (Polidoro), Laura Polverelli (Flaminio), Marina de Liso (Giustina), Sonia Yoncheva (Agata), Serena Malfi (Ferdinando), Laura Cherici (Checca), Vito Priante (Vastiano). Accademia Bizantina, dir. Ottavio Dantone, mise en scène : Michael Znaniecki (Jesi 2010).
DVD ArtHaus Musik 101 653. Distr. Harmonia Mundi.

Cette production couronne dignement l'intégrale scénique des opéras de Pergolèse proposée par sa ville natale de Jesi. Nous retrouvons, comme dans L'Olimpiade, l'église devenue le Studio-théâtre Valeria Moriconi, mais le lieu a été métamorphosé par la construction d'un bâti en bois blond, ménageant une scène devant l'orchestre (qui occupe toujours le chœur, à demi dissimulé sous une sorte de tonnelle), les bas-côtés et les tribunes. Cet espace de jeu se voit magnifiquement habité par Znaniecki, lequel profite de toutes les pistes offertes par l'inénarrable livret de Gennaro Federico, optant tantôt pour une scénographie presque improvisée (acte III), tantôt pour une imagerie cinématographique évoquant le néo-réalisme italien ou l'univers des opéras de Rota (belles échappées dans l'intimité des demoiselles, au tub ou à la toilette, servies par de superbes éclairages), parfois même pour le Guignol (acte II). Les interprètes semblent follement s'amuser, tout autant que le public, sans que l'étrangeté de certains « rapports de couple » (ceux unissant Polidoro à son valet, par exemple) ne soit pour autant gommée. Cet univers rappelant la commedia dell'arte est certes plus facile à animer que le séria de Métastase ; mais il faut tout de même applaudir au brio avec lequel la distribution joue physiquement le jeu - jusqu'aux impressionnantes acrobaties esquissées par Gatell lors de sa « scène de folie » finale !

En dépit de récitatifs longuets (mais les sous-titres aident à suivre les désopilantes prises de bec entre Vastiano, partisan du napolitain, et Checca, sectatrice du toscan), l'ultime ouvrage de Pergolèse (1735) reste, musicalement, sa plus ambitieuse comédie : Dantone, qui dirigeait déjà Adriano in Siria, en respecte la quasi-intégralité (manque un air de Checca), avec un constant souci de couleur, d'expressivité. On redécouvre totalement cette œuvre que ne dévoilait qu'à peine l'ancienne et très incomplète  «intégrale » de Marcello Panni (Fonit Cetra). Certes, comme souvent sur le vif, l'orchestre joue trop fort et l'idiomatique équipe de chanteurs connaît divers problèmes d'« accomodation » : stupéfiante au premier acte (la bravura de « Scuote e fa guerra » !), Polverelli se fatigue ensuite jusqu'à chanter droit et bas, tandis que l'alto velouté de De Liso et le soprano crémeux de Yoncheva (à l'italien encore trop serré) ne se libèrent, eux, que dans les deux derniers actes ; Malfi trouve moins à s'épanouir dans son rôle travesti qu'en Salustia et le ténorino de Gatell, irrésistible de bouffonnerie, apparaît dépourvu de graves. Broutilles qui ne sauraient priver ce coffret d'une Révérence bien méritée !

O.R.