Thomas Michael Allen (le Roi), William Sharp (Richard, le Fermier), Dominique Labelle (Jenny), Yulia Van Doren (Betsy), Delores Ziegler (la Mère), Thomas Dolié (Rustaut), Jeffrey Thompson (Lurewel), David Newman (Charlot), Tony Boutté (le Courtisan). Opera Lafayette Orchestra, dir. Ryan Brown (2012).
CD Naxos 8.660322. Distr. Abeille Musique.

Après Le Déserteur en 2010, le Lafayette Opera (Washington DC) nous offre le premier enregistrement d'un autre ouvrage de Pierre-Alexandre Monsigny, d'une veine plus légère mais d'une égale richesse d'invention. Sur les vingt-cinq numéros de cette partition créée en 1762, il n'en est guère qui ne pique l'attention par l'imprévu d'une forme dictée par la théâtralité, par le bonheur de l'inspiration, par la justesse du ton que rehausse une prosodie impeccable. Les indécisions du Fermier dont on ignore la cause, sa dispute avec Betsy, l'air du Roi coupé de récitatifs obligés possèdent une véracité rare. L'orage qui interrompt le duo des amants, puis la chasse venue s'y mêler avec ses cors jouant dans une autre mesure et le galop des chevaux, produisent un effet saisissant. Le trio des femmes fredonnant ensemble des chansons différentes ne manque pas non plus d'originalité.

L'interprétation, au diapason baroque (392) sur instruments d'époque est, selon l'expression, historiquement informée. Outre le clavecin (non écrit), quelques percussions ont été ajoutées à propos (triangle, tambourin, tambour). Seul l'Allegro trop modéré de l'ariette « Il a regardé mon bouquet » peut se discuter. Le souci de la prononciation (moderne) permet de ne pas perdre un mot du livret inspiré d'une pièce anglaise. La distribution non francophone n'osant se risquer dans les dialogues parlés vif et savoureux de Sedaine, ils ont été écartés. C'est une perte regrettable qu'on réparera grâce à internet : IMSLP donne accès à une belle copie manuscrite dresdoise.

Sous la direction de Ryan Brown, très attentive aux multiples intentions dramatiques dont Monsigny a émaillé sa partition, la distribution ne réserve que de bonnes surprises, l'engagement compensant au besoin les limites. À quand Rose et Colas servi avec la même ferveur ?

G.C.