Nina Stemme (Minnie), Aleksandrs Antonenko (Ramerrez), John Lundgren (Jack Rance), Michael Schmidbeger (Ashby). Chœur et Orchestre de l'Opéra Royal de Suède, dir. Pier Giorgio Morandi, mise en scène : Christof Loy (Stockholm 2012).
DVD et BR Euroarts 2072598. Distr. Harmonia Mundi.

Nina Stemme chevauche dans les plaines du Far West avant de crever l'écran, pistolets en main. En voilà une entrée en matière ! Christof Loy s'amuse dans cette Fanciulla en ciné-opéra où se superposent parfois l'action jouée en scène et l'action filmée (en noir et blanc, nostalgie de l'âge d'or cinématographique oblige) projetée sur le décor. Au moins une fois, lors du duo du II entre la téméraire héroïne et son mystérieux séducteur, l'effet s'avérera irrésistible ; ailleurs le procédé ne sera jamais redondant ; car Christof Loy, qu'on peut connaître parfois routinier, a soigné sa direction d'acteur presque autant que lors de sa relecture radicale de Lulu pour Covent Garden. Il est gagnant car son trio de tête montre trois vrais chanteurs-acteurs dont les moyens vocaux, qui plus est, sont considérables.

On admire avec quelle constance de ligne et quel art du mot Nina Stemme incarne une Minnie que certains trouveront trop mûre, surtout s'ils ont encore dans l'œil et dans l'oreille les élans d'Eva Maria Westbroek. Mais Stemme compose un personnage plus inquiet, plus subtilement détaillé là où tant font de Minnie une cantinière toute en muscles. Il suffit de voir sa leçon aux mineurs pour comprendre qu'elle n'est pas seulement la bonne fille naïve qu'on croit, et comme elle garde une réserve de fureur pour se retourner contre Ramerrez lorsque son masque sera tombé ! On admire aussi sans réserve Aleksandrs Antonenko qui, de son ténor sombre, compose un séducteur ambigu, charmeur mais pourtant comme rongé par le doute. On n'est pas un si grand Otello sans que cela laisse des traces. Si l'on ajoute le baryton creusé, la ligne parfaite, la composition subtile que John Lundgren met à son Jack Rance, un des meilleurs qu'on ait jamais vus ou entendus, on comprendra que la soirée est gagnée, d'autant que l'équipe de chant brille en vrais caractères : un Ashby rapace, un Nick débonnaire, s'effacent devant l'émouvant Sonora d'Ola Elisson.

Orchestre modeste, peu en couleur mais plié avec exactitude à l'action scénique. On préfère cela aux débraillements qui trop souvent noient La Fanciulla sous l'opulence d'un tissu symphonique que Puccini a écrit presque trop splendide, d'autant que le spectacle sans manière, toujours juste, et qui revendique pleinement le premier degré du western, est un modèle pour une œuvre où tant furent tentés soit par des transpositions fantaisistes, soit par des lectures a minima. Ici on a tout Belasco et tout Puccini, c'est rare - et du coup, l'œuvre y gagne une cohérence, un naturel, une fluidité qui la rendent évidente. Si vous voulez découvrir La Fanciulla del West, commencez ici.

J.-C.H.