Bernard Demigny (l'Officier), Orchestre Lyrique de l'ORTF, dir. Pierre-Michel Le Conte. + Symphonie du tiers monde (Orchestre Philharmonique de l'ORTF, dir. Pierre Dervaux) et Retour à Tipasa : Daniel Mesguich (récitant), Orchestre Philharmonique et chœur de l'Opéra de Marseille, dir. Patrick Davin.
CD Ad Vitam 121115 (Distr. Ad Vitam.)

La musique d'Henri Tomasi (1901-1971) a connu un rayonnement international qui contraste avec la place qu'on lui concède aujourd'hui où ses concertos pour trompette ou pour trombone restent une aubaine pour les virtuoses. En ressuscitant Sampiero Corso en 2005, l'Opéra de Marseille a attiré l'attention sur la valeur d'une production lyrique dominée par Don Juan de Manara. Composé en 1959 sur un texte de Vercors, Le Silence de la mer est un monologue d'une demi-heure : pendant l'Occupation, un soldat allemand (compositeur dans le civil), logé chez un vieillard et sa nièce, tente de les persuader des bienfaits de l'union de leurs cultures. Devant leur silence, et comprenant que les nazis ont des visées moins idéales, il part se faire tuer sur le front Est.

Le sujet est fort, la déclamation lyrique sobre, avec des envolées qui n'ont rien à envier à celles des Dialogues des Carmélites, la partition nourrie du Prélude en mi bémol mineur de Bach (symbole de la « germanitude »), bien sonnante et finement écrite à la marge de la tonalité. L'Orchestre Lyrique, de sinistre mémoire, est dans ses bons jours et l'interprétation de Bernard Demigny réellement habitée. Porter à la scène un texte aussi didactique reste une gageure ; la puissance théâtrale du silence de l'hôte et de sa nièce manque au disque et si la progression dramatique reste sensible, elle manque d'évidence.

Retour à Tipasa est un mélodrame où la magie répétitive de la musique reste à l'ombre du texte de Camus dit par une voix trop amplifiée. En sorte que la Symphonie du tiers monde est la vraie révélation de ce disque ; puissante et raffinée, elle est à découvrir absolument.

G.C.