Elena Mosuc (Magda), Yosep Kang (Ruggero), Evelin Novak (Lisette), Alvaro Zambrano (Prunier), Jan-Hendrik Rootering (Rambaldo), Siobhan Stagg (Yvette et Georgette), Chœur et Orchestre de la Radio de Munich, dir. Ivan Repusic (2015, concert).

CD CPO 555 075-2. Distr. DistrArt Musique.

 

Au moment de boucler une discographie de La rondine pour nos pages (n° 301, à paraître en novembre), voici qu'est éditée, venue de Munich, la captation d'un concert magique. Héroïne de ces soirées, la Magda grand teint d'Elena Mosuc. Depuis qu'elle a passé la cinquantaine, la soprano roumaine outrepasse les coloratures dramatiques qu'elle a si brillamment illustrées de Mozart à Donizetti pour conquérir les grands lyriques pucciniens. Sur ce chemin escarpé, Magda est le point de passage idéal, même si dans le Rêve de Doretta la voix se laisse déborder par l'enthousiasme, seule petite paille d'une incarnation parfaite qui dessine avec un art si émouvant les arrière-plans du personnage, cette tristesse derrière la joie, ce sentiment du temps qui passe, mettant dans son timbre admirable de pulpe, dans ses mots à fleur de lèvres typiques de l'école roumaine - on songe à Leontina Vaduva, à Angela Gheorghiu - cette nostalgie qui fait frissonner toutes les musiques de l'Hirondelle. Avec cela, au troisième acte, une dimension dramatique qui trop souvent manque à ses collègues, jusque dans cette nuance pathétique de la dernière exclamation alors que Ruggero est parti et que l'angélus résonne. Ne serait-ce que pour elle, la parution est essentielle à la discographie de cette partition trop peu courue.

Mais il y a plus ! Un Ruggero idéal par le timbre, l'élan, la simplicité, jeune homme un peu fragile, antithèse du séducteur campé par Plácido Domingo pour Lorin Maazel ; une équipe jeune qui fait Bullier effervescent au possible ; un second couple piquant, Alvaro Zambrano mettant de l'ironie à son Poète et Evelin Novak, un esprit endiablé à Lisette ; et un chef qui connaît l'œuvre dans ses moindres recoins, disposant d'une phalange brillantissime, alerte tout au long des deux premiers actes et dressant à l'ultime tableau un paysage de tramonto inoubliable, le tout saisi par une prise de son exemplaire. Alors oui, je range cette Rondine au côté des références.

J.-C.H.