Adrian Eröd (Peter), Janina Baechle (Gertrud), Daniela Sindram (Hänsel), Ileana Tonca (Gretel), Michaela Schuster (la Sorcière), Annika Gerhards (l'Homme de sable, le Bonhomme de rosée), Chœurs de l'École d'opéra de l'Opéra de Vienne, Orchestre de l'Opéra de Vienne, dir. Christian Thielemann, mise en scène : Adrian Noble (Vienne, 2015).

BluRay Unitel Classica 2072984. Distr. Harmonia Mundi.

L'œuvre est si populaire outre-Rhin que chaque scène de l'aire germanique se doit d'en faire la production régulière, si possible pour les fêtes, et bien entendu d'en assurer désormais la captation, quitte à encombrer le catalogue vidéo de coffrets non nécessaires - comme celui-ci, réalisé à la Staatsoper de Vienne fin 2015 et qui ne renversera pas les amoureux du chef-d'œuvre de Humperdinck.

Maison de poupée amusante, forêt en papier découpé assez sinistre, petite maison de pain d'épices délicieuse : les décors d'Anthony Ward fonctionnent bien mais sans vraie magie, comme les apparitions, trop sages. La production d'Adrian Noble est sympathique, vivante, enjouée, ne renouvelle rien malgré une tentative de dimension sociale vite avortée : l'ouverture nous montre, à Noël, une famille bourgeoise heureuse projetant des photos sur plaques de verres, mais les enfants captivés découvriront vite derrière l'écran de toile le trou noir d'un monde qui n'est pas le leur, là où règne la sorcière, monde qu'ils transcenderont en univers de rêve fait de ballons roses et bleus pour le sommeil de la fin de l'acte II, avant de revenir tout étonnés au finale... qui n'a pas vraiment besoin de cela, tant la fraîcheur de sa chorale enfantine est suffisante à sa fonction festive.

Mais la direction d'acteurs de Noble peine quelque peu à transformer ses vedettes en enfants terribles, Daniela Sindram surtout, à 45 ans passés, plus qu'Ileana Fonca, charmante. Elles chantent fort bien toutes deux mais ne peuvent éviter quelques criaillements à l'acte I - un rien face à la voix fatiguée de Janina Baechle, aigu et grave désormais ostensiblement défaits. Excellent, lui, Adrian Eröd, en absolue facilité et de voix et de jeu : son Peter, joué un peu aviné, emporte immédiatement l'intérêt. Si la jeune Annika Gerhards manque un peu de chaleur dans un timbre un peu sec pour ses deux personnages féériques, Michaela Schuster est une sorcière en pleine possession de ses moyens de grand mezzo, qui revient à l'origine de la partition après tant de ténors transgenres (souvent réussis) et de sopranos épuisées à l'extrême. On songe même, ici ou là, par quelques accents, à la splendeur passée de Christa Ludwig, c'est dire !

L'orchestre est bien entendu magnifique : c'est Vienne, il suffit de le dire et Christian Thielemann lui donne sur le plan formel ce type de leçon qu'on ne peut que saluer, malgré une certaine tendance à jouer appuyé dès que les cuivres entrent en jeu, façon « voyez de quel instrument je dispose ! » La Hexenritt est criante d'évidence sur ce plan. Au delà de la forme esthétique pure, l'émotion, l'humain, le supplément d'âme, le charme enfantin (lors des scènes des deux bonhommes de sable et de rosée, mais heureusement pas au finale) restent un peu hors de ce qu'on peut en attendre.

Bref, un Hänsel et Gretel de plus, pas indigne du tout mais pas indispensable. En vidéo, Glyndebourne avec Pelly l'est autrement, et pour longtemps encore sans doute.

P.F.