Adam Plachetka (Figaro), Martina Jankova (Suzanne), Luca Pisaroni (le Comte), Anett Fritsch (la Comtesse), Margarita Gritskova (Chérubin). Orch. Phil. de Vienne, dir. Dan Ettinger, mise en scène : Sven Eric Bechtolf (2015).

DVD EuroArts 2072958. Distr. Warner.

La nécessité de renouveler régulièrement les productions mozartiennes du Festival de Salzbourg place les metteurs en scène face à un défi de plus en plus compliqué. Pour la trilogie Da Ponte, s'agissant de succéder à la puissante dramaturgie de Claus Guth, le directeur Alexander Pereira s'est adressé à Sven Eric Bechtolf, avec qui il était habitué à travailler à Zurich. Un bon professionnel, qui part d'une lecture attentive du livret et tient ses interprétations personnelles dans les limites du respect de la narration. Le prix à payer est un certain ni-ni entre convention et innovation, un refus de choix qui débouche souvent sur un côté impersonnel. C'est ce qui finit par arriver à ses Noces de Figaro malgré un point de départ intéressant.

Dans une grande maison aristocratique vue en coupe, qui au départ n'est pas sans rappeler le désormais célèbre escalier de Claus Guth, nous sommes plongés dans un univers très Downton Abbey d'après-Première Guerre mondiale, où maîtres et valets passent d'une pièce à l'autre de façon inlassable. Un Figaro chauffeur en bottes de cuir muni d'un pistolet, une Marcelline qui n'hésite pas à entrer dans la chambre de Suzanne pour en fouiller les tiroirs, un Basilio tragique amoureux de Chérubin mais qui doit cacher son homosexualité : cela commence assez fort, et laisse augurer une intéressante relecture de la face sombre de la comédie mozartienne. Las, le parti n'est pas tenu, et l'on en reste vite au niveau du vaudeville, avec ce Comte ridicule, ces portes qui claquent, cette scène surchargée et ces mouvements incessants, qui fatiguent plus qu'ils ne captivent. Ainsi, l'intérêt s'émousse d'acte en acte, jusqu'à ce dernier tableau du jardin qui s'en tient à une mise en place paresseuse et ne fait plus passer ni arrière-plan ni frisson.

Au milieu du gué, c'est là aussi que nous laisse la direction musicale du jeune Israélien Dan Ettinger, non dépourvu de talent mais peut-être encore immature pour les subtilités mozartiennes. Est-ce le fait d'être à la tête des Wiener Philharmoniker ? Le chef, qui tient aussi les récitatifs au pianoforte, ne choisit pas non plus entre tradition héritée de Karl Böhm et alacrité historiquement informée. Ni romantique, ni baroqueux, il intéresse souvent mais déçoit globalement par son incapacité à construire une exécution cohérente, sa dramaturgie des tempi peinant à tendre cet arc électrique qui devrait nous tenir en haleine sans temps mort dans les Noces. Distribution troupière plus que festivalière : de luxe dans le cas du Comte de Luca Pisaroni, malheureusement réduit à un pantin par la mise en scène, fort prometteuse dans le cas du Chérubin plein de charme de Margarita Gritskova, manquant de rayonnement dans le cas du couple de valets d'Adam Plachetka et Martina Jankova, aux voix anonymes, carrément insuffisante dans le cas de la Comtesse limitée d'Anett Fritsch. Des Noces en demi-teinte, en rien déshonorantes, mais tout sauf inoubliables.

C.M.