Mathias Vidal (Persée), Hélène Guilmette (Andromède), Katherine Watson (Mérope), Tassis Christoyannis (Phinée), Marie Lenormand (Cassiope), Marie Kalinine (Méduse), Cyrille Dubois (Mercure), Jean Teitgen (Céphée), Chœur et Orchestre du Concert Spirituel, dir. Hervé Niquet (live 2016).

CD Alpha, coll. "Château de Versailles", 967.Llivre-disque en français. Distr. Outhere.

Huitième des douze tragédies lyriques composées par Lully, Persée (1682) donna lieu à de multiples reprises, dont la plus tardive fut aussi la plus considérable : en 1770, l'ouvrage fut choisi pour inaugurer le tant attendu Théâtre Gabriel de Versailles, ainsi que pour fêter le mariage du futur Louis XVI avec l'archiduchesse Marie-Antoinette. Persée avait presque un siècle, il fallut le rajeunir mais avec tout le tact qu'exigeait sa naissance : on lima les récitatifs, élagua les intrigues secondaires (au détriment, notamment, de la pauvre Mérope), enjoliva les divertissements et, bien entendu, nourrit l'orchestration à l'aune de la nouvelle salle - jusqu'à l'indigestion : les témoignages d'époque font état d'un orchestre de 80 musiciens (auxquels s'ajoutaient 90 choristes, 70 danseurs et... 450 costumes !). Débarrassé de son prologue et réduit à quatre actes (les deux derniers se voyant fondus en un seul au prix d'une caricaturale accumulation d'événements), Persée fait, plus que jamais, figure de fête spectaculaire, ponctuée par l'apparition de Triton, de Vénus, des Cyclopes, de Nymphes guerrières, de Méduse qui pétrifie les mortels et d'un monstre marin combattu par le héros volant sur le dos de Pégase. La mouture de 1770, retouchée par les plumes de François Dauvergne (actes I et IV), François Rebel (acte II) et Bernard de Bury (acte III), y perd un certain équilibre tragique et quelques beaux dialogues et ensembles (duos et trios des premiers actes) mais y gagne d'émouvants ariosos/« petits airs » avec orchestre, deux ariettes finales, de piquantes pages instrumentales (notamment dues à Dauvergne, qui signe aussi l'impressionnant duo « Les vents impétueux » de l'acte IV) et au moins un puissant finale (acte II).

Sans employer les moyens requis à l'époque, mais néanmoins à la tête de 42 musiciens d'orchestre et de 27 choristes (tous plus fervents que précis), Hervé Niquet, à son habitude, se préoccupe surtout de ne pas laisser de temps morts, au prix de diverses coupures (dans les danses et chœurs), d'une direction efficace durant les tempêtes mais finalement brouillonne et peu variée, de par son caractère constamment hâtif. Une fois encore, on a l'impression que les répétitions ont manqué, surtout du côté de la distribution féminine. Après une époque bénie (les années 1990) durant laquelle chefs et professeurs de chant se préoccupaient d'équilibrer son et élocution, l'on retrouve ces émissions brumeuses qu'on espérait perdues à jamais - et il est difficile d'accepter de cantatrices francophones telles que Chantal Santon ou Marie Lenormand la bouillie qu'elles nous servent encore ! Marie Kalinine s'en sort mieux mais quel dommage que la révision de 1770 transpose Méduse (d'une octave) pour voix de femme alors que Lully avait réservé ce personnage affreux à un homme - et que ses deux sœurs sont d'ailleurs toujours chantées par des hommes ! Cela dit, ce sont les messieurs qui séduisent ici : Persée sans tache (mais au rôle peu marquant), Mercure délicieux (dans le tube « Ô tranquille Sommeil » que Rockwell Blake lui-même ne dédaigna pas de graver), Phinée très émouvant, fracassants Triton (Thomas Dolié) et Divinité infernale (Jean Teitgen) - c'est avant tout pour eux qu'on découvrira cette œuvre hybride.

O.R.