Roman Trekel (Wozzeck), Anne Schwanewilms (Marie), Marc Molomot (le Capitaine), Nathan Berg (le Docteur), Gordon Gietz (le Tambour-Major), Robert McPherson (Andrès), Katherine Ciesinski (Margret), Orch. Symph. de Houston, dir. Hans Graf (2013).

CD Naxos 8.660390-91. Distr. Outhere.

S'il y a une raison de se procurer ce nouvel enregistrement de Wozzeck, ce sera sans aucun doute l'incarnation des deux protagonistes. Pilier du Staatsoper de Berlin auquel il a préféré rester fidèle plutôt que de courir les voyages en avion, Roman Trekel n'est jamais aussi à l'aise que dans les personnages tourmentés. Son pauvre soldat combine violence et fragilité, révolte et résignation, avec une voix délibérément sans séduction, mais aussi un art de s'appuyer sur le mot qui le rend particulièrement prégnant. En Marie, la magnifique Anne Schwanewilms doit forcer une nature qu'elle a naturellement plus lyrique que dramatique, mais son expérience du chant straussien lui a appris, à elle aussi, à partir du texte chanté pour construire son interprétation, ce qui lui permet d'humaniser son personnage, pris entre féminité lumineuse et sentiment de culpabilité. Ils sont profondément émouvants. Pour ces deux-là, il ne paraît pas abusif de parler d'enrichissement de la discographie.

Le reste, malheureusement, n'est pas tout à fait à l'avenant. Les partenaires, par exemple, manquent de ce relief considérable, sans parler du rapport à la langue d'une distribution en majorité américaine dont l'allemand est plus appris que vécu. Le Capitaine de Marc Molomot lutte avec la tessiture du rôle, se réfugiant souvent dans un fausset mal timbré, et n'a pas le mordant indispensable, lequel fait également défaut au Docteur de Nathan Berg, ni terrifiant ni ridicule. Même pâleur coupable chez l'Andrès de Robert McPherson, alors que le Tambour-Major de Gordon Gietz a au moins les moyens de bomber le torse.

Reste l'orchestre, moteur du chef-d'œuvre de Berg. Ici, c'est celui de Houston, que son directeur musical Hans Graf, chef autrichien de grand métier, a confronté à cette partition sublime mais complexe au cours de versions de concert. Il y met toute sa très grande conscience professionnelle et ce furent sans doute pour le public texan des soirées de premier ordre ; mais au disque, on entend plus d'application que d'âme, et c'est trop peu.

C.M.