Raffaella Milanesi (Dido), Richard Helm (Aeneas), Stefanie True (Belinda), Iason Marmaras (l'Enchanteresse), Michela Antenucci (la Première Sorcière et le Marin), Anna Bessi (la Seconde Sorcière et l'Esprit), Chœur Costanzo Porta, La Risonanza, dir. Fabio Bonizzoni (live, 2016).

SACD Challenge Classics CC 72737. Distr. Socadisc.

A en croire la notice, cette interprétation nous fournirait un aperçu probant de la première représentation scénique et intégrale du chef-d'œuvre de Purcell donné, en 1704, en compagnie de pièces récitées et d'un autre mask, Mars & Venus d'Eccles et Finger. Sur la foi des traces conservées de cette production, Bonizzoni, tout en reconstituant le Prologue de Mars & Venus, propose une version de  Dido dont la distribution vocale serait compatible avec celle dudit Prologue. Soit quatre cantatrices (Didon, les Sorcières et le Marin), un treble (garçon soprano : l'Esprit) et deux basses (Enée et l'Enchanteresse). L'Enchanteresse avait déjà été distribuée à un homme par divers chefs (Hogwood en 1992, Parrott en 1994) ; le procédé ne nous choque donc pas. Le dispositif vocal adopté présente néanmoins l'inconvénient de faire disparaître le rôle de la Seconde Dame (« Oft she visits » se voit ainsi confié à Belinda et le duo « Fear no danger » devient solo pour la même) et d'imposer une certaine monochromie (six sopranos !). Cependant, ce ne sont pas tant les choix d'interprétation, forcément arbitraires, qui nous laissent ici sur notre faim que la lecture elle-même - à commencer par les voix, presque toutes précaires : Belinda plaintive, Sorcières midinettes, Enée s'époumonant - très pénible monologue -, Enchanteresse sans timbre, Marin pataugeant dans l'anglais « à l'ancienne » qu'on lui a imposé. Seule Milanesi, en dépit de couleurs assez pauvres, trop claires et d'un ton peu aristocratique, parvient à nous toucher, notamment lors de son dernier air, par la grâce d'un legato habité. Cette distribution médiocre - flanquée d'un orchestre maigrelet et d'un chœur confus - n'est certes pas transcendée par la direction sans assise, hésitante, laborieuse (les scènes chorales) et maniérée (abus d'ornementation). Pourquoi « 1 cœur », alors ? Pour le complément de programme : ce Prologue où pétillent les mélodies au bon accent cockney, l'écriture à la fois robuste et virtuose, pré-haendélienne, de John Eccles (1668-1735). Ce dernier compositeur, que l'on commence à redécouvrir (The Judgment of Paris, chez chaconne), nous laisse ici un goût de trop peu ; concernant Didon, voici au contraire une version de trop...

O.R.