Karina Gauvin (Vénus), Gaëlle Arquez (Iphise), Reinoud van Mechelen (Dardanus), Florian Sempey (Anténor), Nahuel di Pierro (Teucer, Isménor), Katherine Watson (l'Amour, Une bergère, Une Phrygienne, Un songe), Ensemble Pygmalion, dir. Raphaël Pichon, mise en scène : Michel Fau (Bordeaux, 2015).

DVD Harmonia Mundi HM 9859051.52. Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.

On connaissait déjà l'intégrale discographique enregistrée par l'Ensemble Pygmalion à Versailles, en février 2012 (Alpha, lire ici). Mais à l'écoute de cette version captée trois ans plus tard, sur le vif, à l'Opéra de Bordeaux, on regrette que Pichon n'ait pas attendu pour livrer son Dardanus au disque... Soyons juste, cependant : les deux lectures ne sont pas comparables. D'abord parce qu'en 2012, Pichon, par souci d'originalité, optait pour la mouture révisée de 1744, moins palpitante à bien des égards. Ici, il revient à l'original de 1739 (tout en insérant l'incontournable « Lieux funestes » au début de l'acte IV) : revoici donc le sublime Trio des Songes, le dragon marin et le « Monstre affreux » afférent d'Anténor, le magnifique finale de l'acte III et divers « petits airs » autrefois omis. En outre, à une exception près, la distribution vocale a été entièrement renouvelée. L'exception, c'est Gaëlle Arquez, qui constituait déjà le point fort de l'enregistrement discographique et, en scène, reste la plus charnelle, la plus ardente des Iphise. Les autres sont des nouveaux venus... bienvenus : Van Mechelen campe un Dardanus plus sensible et souple que Richter, Gauvin est nettement plus à sa place en Vénus que la trop légère Devieilhe, le fracassant di Pierro l'emporte sans problème sur Buet (et fait jeu égal en Isménor avec Fernandes), Sempey, en dépit de récits parfois incertains et d'un grave un peu faible, s'avère moins fade qu'Arnould, tandis que Watson a beaucoup plus à chanter que la tout aussi excellente De Negri auparavant. Plus libre, plus contrastée, la direction de Pichon bénéficie de l'expérience du théâtre, tout autant que son chœur, très engagé. Musicalement, l'ensemble est donc enthousiasmant. Scéniquement, disons surtout que Michel Fau sait s'entourer : les décors pétants et poétiques, entre estampes et train fantôme, d'Emmanuel Charles, les costumes délirants, entre mode gothique et pupi siciliens, de David Belugou et les lumières colorées de Joël Fabing, nous valent un spectacle aussi féérique qu'une revue du Lido. Mais ce n'est que cela - une revue, une succession de numéros à plumes, nuages et paillettes : Fau, qui abandonne les moments d'action à un chorégraphe convenu (Christopher Williams), rate la plupart des occasions de faire de la véritable mise en scène (la fin elliptique du II, par exemple) et ne cherche pas à construire une narration. Dommage, mais célébrons tout de même cette belle entrée de Dardanus au catalogue vidéo.

O.R.