Martin Tsonev (Boris), Mario Krastev (Fiodor), Irina Zhekova (Xenia), Rumyana Petrova (la Nurse), Sergei Drobishevski (Chouiski), Biser Georgiev (Shchelkalov), Angel Hristov (Pimen), Kostadin Andreev (Grigori), Petar Buchlov (Varlaam), Plamen Papazikov (Misail), Tsveta Sarambelieva (l'Aubergiste), Hrisimir Damyanov (l'Innocent), Chœurs, Orchestre et Corps de ballet de l'Opéra de Sofia, dir. Konstantin Chudovski, mise en scène : Plamen Kartaloff (Sofia, 2014).

DVD Dynamic 37718. Distr. Outhere.

Voici un Boris de plein air, installé pour un soir d'été 2014 devant la cathédrale Alexandre Nevski de Sofia - qui n'est bien entendu ni de style moscovite, ni de l'époque du drame et dont les cloches serviront au couronnement d'un ton plus grêle que de coutume au théâtre. Qu'importe, ce décor unique, plus ou moins mis en valeur par l'éclairage une fois la nuit tombée et agrémenté de quelques éléments décoratifs à la russe (clochetons mobiles à bulbes dorés, croix grecques et icônes transportées au rythme de nombreuses processions) ou d'un peu de nature (de bien pauvres saules et autres branchages au sol), évoquera presque naïvement une Russie de convention qui suffit à un spectacle qui ne se penche pas sur les vertiges de la mise en scène contemporaine et dont seul un praticable strié de grands rails de bois rouge pourrait, dans la pénombre, faire croire à un succédané de modernité. Seul effet « mode » : la mort du Tsar, qui sortira de scène dans un beau rayon de lumière blanche. Jeu d'acteurs conventionnel, costumes traditionnels et beaux, concept même : tout ici est d'un réalisme sans problème mais aussi sans brillant. Rien d'indigne, assurément, mais il existe tant de versions autrement abouties !

Et puis, on nous propose ici la première version de l'œuvre, celle de 1869, sans acte polonais, sans scène de la forêt de Kromi, centrée sur la figure du Tsar et non sur la tragédie du peuple. Dommage, quand on a des chœurs assez somptueux - une tradition locale heureusement préservée - pour en assurer les scènes marquantes avec bonheur pour l'oreille. Dommage encore, car c'est aussi un Boris plus intimiste que la version définitive et donc peu cohérent avec un espace de plein air. Dommage enfin, car à rôle principal mis en exergue, on attend un interprète exceptionnel. Or Martin Tsonev est un bon Tsar, qui assure incontestablement d'une voix noire et profonde, autoritaire, sonore et souple, mais là encore sans vertige aucun, laissant plus l'impression de jouer son rôle que de vivre son personnage, bien loin d'un Boris Christoff dont la célébration du centenaire est l'occasion dédicataire de la soirée. Et pourquoi diable interrompre maladroitement le monologue de Boris à sa première apparition par une longue scène parlée avec patriarche bénissant, cérémonie du couronnement et discours du tsar redondant et vide, lequel accentue le côté « mauvais théâtre » du moment et de l'acteur ? Mystère.

Interprétation, pour le reste, de fort bon niveau, avec les belles basses nécessaires, un Varlaam bien profond et extraverti, un Pimen plus pâle et introverti, avec un Dimitri solide, des seconds rôles féminins de bon ton. Et un chef qui mène le tout de façon équilibrée mais en lissant le propos orchestral plus qu'en l'exacerbant. Bref, c'est là un bon Boris. Mais si en diffuser la trace par la captation vidéo peut se comprendre sur le plan local, le faire loin de la Bulgarie ne s'imposait guère.

P.F.