Géori Boué (le Duc de Reichstadt), Xavier Depraz (Flambeau), Roger Bourdin (le Prince de Metternich), Lucien lovano (le Maréchal Marmont), Joseph Peyron (Frédéric de Gentz), Michel Hamel (l'Attaché français), Gustave Wion (le Chevalier de Prokesch-Osten), Liliane Berton (Thérèse de Lorget), Agnès Disney (Marie-Louise), Yvette Darras (la Comtesse Camerata), Orchestre Radio-Lyrique de la Radiodiffusion française, dir. Pierre Dervaux (11 janvier 1956).

CD Malibran MR 792. Distr. Malibran.

Le 19 décembre 1952, l'Opéra de Paris offrait une renaissance spectaculaire à L'Aiglon : André Cluytens emmenait avec lyrisme un plateau où Géori Boué voulait faire revivre la fièvre et les formidables emportements qu'avait mis Fanny Heldy à son Duc de Reichstadt. Trois ans plus tard, Pierre Dervaux dirigeait pour les ondes la version - quelque peu resserrée - publiée ici. Il rendait explicitement hommage à Arthur Honegger, disparu le 27 novembre 1955, et entendait bien laisser un témoignage historique : l'œuvre n'avait jamais été enregistrée malgré sa renommée et sa lecture ardente, visionnaire, serait la seule publiée en microsillon sous étiquette Bourg, jusqu'à l'enregistrement historiquement informé et exhaustif gravé par Kent Nagano pour Decca voici peu.

L'Aiglon ici n'a rien perdu de son éloquence, de sa fièvre, de son urgence, magnifique d'orchestre, tour à tour évocateur ou ardent, chanté à la perfection et avec ce français qui s'est perdu où le tranchant des mots s'allie à plénitude des timbres. De stature, de silhouette, Géori Boué campait le plus évident Aiglon qui soit, travesti parfait sanglé dans son uniforme blanc ; de voix aussi, timbre plein qui déclame avec passion le beau texte d'Henri Cain. Xavier Depraz y troquait son terrible Metternich de Garnier pour s'approprier Flambeau, avec quel sens du drame, quel art de la caractérisation dans les accents rudes avec lequel le Grenadier dissimule ses tendresses ! Alors que Roger Bourdin terrifie, Metternich impérieux, implacable. Mais c'est le style qui rend absolument historique ce document capté dans une monophonie très présente. Il vous faudra le placer sur vos rayonnages avec la gravure de Nagano, l'un et l'autre s'éclairant d'intelligence.

J.-C.H.