Christiane Libor (Giuditta), Nikolai Schukoff (Octavio), Laura Scherwitzl (Anita), Ralf Simon (Pierrino), Mauro Peter (Sebastiano et Premier Chanteur de rue), Christian Eberl (Antonio et Deuxième Chanteur de rue), Rupert Bergmann (Manuele), Orchestre de la Radio de Munich et Chœur de la Radio bavaroise, dir. Ulf Schirmer (2012).

CPO 777 749-2. Notes et synopsis en allemand et en français. Pas de livret. Distr. DistrArt Musique.

Cette nouvelle Giuditta constitue l'un des plus beaux fleurons de ce qui est en voie de devenir une précieuse, quoique fort inégale, intégrale des œuvres scéniques de Franz Lehár. Rompu au style du compositeur dont il propose ici son septième enregistrement, Ulf Schirmer galvanise la phalange munichoise, qui sonne bien mieux sous sa direction que sous celle de Willy Boskovsky (EMI, 1985). Le chef met en relief les multiples richesses d'une partition éblouissante qui fut créée, rappelons-le, en 1934 à l'Opéra de Vienne avec Jarmila Novotná et Richard Tauber, et qui évoque en des rythmes ensorcelants un amour impossible se déroulant en Espagne puis au Maroc. Rarement l'orchestration de Lehár aura paru aussi somptueuse et puissamment dramatique que sous la houlette de Schirmer.

En adéquation avec cette interprétation - qui semblera peut-être à certains auditeurs un peu survitaminée -, les deux protagonistes possèdent des voix de format wagnérien. Depuis une dizaine d'années la soprano allemande Christiane Libor s'illustre en effet dans les rôles de Leonore, Brünnhilde, Isolde... Loin du charme juvénile de Hilde Gueden, vedette de la version Rudolf Moralt (Decca, 1958), cette Giuditta d'une solidité vocale à toute épreuve et au timbre opulent rend à merveille le côté femme fatale d'un personnage qu'on a souvent comparé à Carmen. Superbe dans le fameux « Meine Lippen, sie küssen so heiß », elle atteint à des sommets d'expressivité dans le duo « Schön wie die blaue Sommernacht », où Nikolai Schukoff se révèle lui aussi admirable. Littéralement métamorphosé par rapport à son récent et médiocre Barinkay du Baron tzigane (Pentatone), le ténor campe un Octavio viril, d'une belle générosité vocale, bien que gêné occasionnellement par certaines lignes mélodiques haut perchées. Le second couple de l'intrigue est un peu déséquilibré, en ce sens que l'excellent et irrésistible Pierrino de Ralf Simon s'accorde plus ou moins avec l'Anita aux accents plébéiens de Laura Scherwitzl. Pour redécouvrir une œuvre qui se prête fort bien aux grandes voix, cette nouvelle version s'impose avec évidence.

L.B.