Artavazd Sargsyan (Bertrando), Silvia Dalla Benetta (Isabella), Baurzhan Anderzhanov (Ormando), Tiziano Bracci (Batone), Lorenzo Regazzo (Tarabotto), Virtuosi Brunenses, dir. Antonino Fogliani, mise en scène : Jochen Schönleber (Wildbad, 2015).

DVD Dynamic 37760. Distr. Outhere.

Le public de Wildbald a sans doute la foi rossinienne chevillée au corps pour se délecter de cet Inganno felice (L'Heureux Stratagème), farsa de la toute première jeunesse du musicien - de fait, une ébauche d'opéra semiseria, genre dont il fera bientôt nos délices avec La Pie voleuse. De la pièce à sauvetage mettant en scène une héroïne injustement persécutée mais sauvée et réhabilitée in fine, le livret tire, il est vrai, un astucieux parti. La duchesse Isabella est ici accusée à tort d'infidélité par le lieutenant de son noble époux, séducteur qu'elle a éconduit. Livrée sur une embarcation à la fureur des flots et cachée sous une fausse identité par le responsable de l'exploitation minière du duché jusqu'à la réconciliation du lieto fine, elle esquisse la vocalité et les affects des grandes héroïnes à venir. Le fil rouge de l'histoire est sous-tendu par d'interminables récitatifs secs entrecoupés de quelques airs de caractérisation, d'un duo de basses bouffes et d'un très beau solo de flûte inséré à la suite d'un trio dont il prolonge l'intérêt.

Dans une grisaille visuelle monochrome, les protagonistes disent ici leur texte avec force mimiques, affrontant leurs arie avec un bonheur inégal. En Tarabotto, très humain protecteur de notre infortunée, Lorenzo Regazzo démontre son habituel abattage malgré une voix érodée. Il est vrai que le grand air de basse de la partition est celui de Batone, confident du vil calomniateur et rôle jadis dévolu au jeune Filippo Galli. Tiziano Bracci l'aborde en buffo plus qu'en vocaliste, dans l'esprit du savoureux duo qui le confronte ensuite à Regazzo, comme de ses dialogues avec le sinistre et très sonore Ormando. Le ténor Sargsyan (alors à l'Atelier lyrique de l'Opéra de Paris) campe avec une froide application le duc Bertrando, sans faillir ni séduire vraiment. A Silvia Dalla Benetta, soprano lirico dotée d'une estimable agilité colorature mais elle aussi affectée d'une gênante atonie expressive, revient d'incarner une Isabella plus anonyme que de raison. La rareté de l'œuvre invite à y aller voir, mais surtout à retourner vers Wildbad 2005 (CD Naxos) avec Regazzo jeune et surtout Zedda qui savait, lui, galvaniser ses chanteurs, quand Fogliani les accompagne mollement de ses cordes traînassantes.

J.C.